Là-bas, en Algérie, la guerre dure depuis bientôt 7 ans. La « Guerre sans nom », comme l’a appelée Bertrand Tavernier, la « pacification », « les évènements d’Algérie ». Une guerre pourtant, dont les victimes se comptent par centaines de milliers.
Le Général de Gaulle, revenu au pouvoir depuis le 1er juin 1958, fit intensifier la guerre en Algérie. De février à septembre 1959, le général Challe engage des opérations qualifiées de « rouleau compresseur ». Opérations très meurtrières pour les combattants algériens mais aussi pour les populations civiles. Malgré son penchant pour l’autodétermination, De Gaulle déclare en mars 1960 aux militaires : « la guerre peut être encore longue ; il faut l’intensifier. L’indépendance ? Moi, je l’appelle sécession, ce serait le chaos et la misère… Vous avez à pousser la pacification jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la victoire des armes ». Propos rapportés par le Ministre de l’Information du Général de Gaulle, Louis Terrenoire, dans De Gaulle et l’Algérie – Paris, Fayard, 1964.
En avril 1961, après un coup d’état manqué des ultra-nationalistes, naît l’OAS, l’Organisation Armée Secrète- Le 1er Ministre, Michel Debré, est profondément partisan de l’Algérie française. En France, il est décidé à « détruire le FLN ». L’esprit des croisades contre l’Islam est déjà présent.
Le quotidien des Algériens
Au plein cœur de Paris, dans le 5ème arrondissement, vivent plus
de 4 000 Algériens.
Venus pour la plupart de Kabylie ou des Aurès, ils ne sont généralement
pas chômeurs. Manœuvres dans le bâtiment, ils sont souvent
embauchés pour la durée des chantiers. Mais, les rafles et
les internements administratifs qui s’ensuivent leur font manquer le travail
et ont habituellement pour conséquence leur renvoi. Hommes seuls,
célibataires ou dont les familles sont restées en Algérie,
ils sont les plus souvent entassés dans une pièce, à
3 ou 4. Quelques familles occupent des logements insalubres. A Nanterre,
des milliers d’autres Algériens vivent dans d’immenses bidonvilles.
De difficultés administratives (la plupart sont illettrés)
en racisme quotidien, la France a-t-elle jamais été une terre
d’accueil ?
Un certain Maurice Papon
Etrange comment certains noms semblent inéluctablement associés à la répression, à la mort. Papon est un de ceux-là. Sous son autorité, de 1942 à 1944, des centaines de Juifs de tous âges, enfants, femmes, hommes, vieillards, sont internés au camp de Mérignac. Déportés à Drancy, ils mourront dans les camps d’extermination. En Algérie, la torture, pratiquée dès le début du conflit, va se généraliser avec l’application des pouvoirs spéciaux obtenus par le Gouvernement Guy Mollet, au mois de mars 1956. Exécutions sommaires et passage à la guillotine sont monnaie courante. En janvier 1959, est créé le centre d’identification de Vincennes, le CIV, camp d’internement aux portes de Paris. Une simple décision ministérielle ou du Préfet de Police, les individus « suspects » sont « assignés à résidence ». Papon signe des ordres d’internement en blanc.
Août-septembre 1961
A partir d’août 61, la répression va s’intensifier à
Paris et dans sa banlieue. Perquisitions, rafles…les Algériens sont
frappés, gravement blessés. Des passants Algériens
sont frappés dans la rue dans l’indifférence générale.
A partir du mois de septembre, de nombreux cadavres d’Algériens
sont retrouvés dans la Seine.
Le couvre-feu
Le 5 octobre, le couvre-feu est établi. En outre, Maurice Papon ajoute une autre mesure. De jour comme de nuit, « tout français musulman circulant en voiture doit être interpellé et, en attendant la décision du Commissaire de police ou du service de coordination des affaires algériennes, la voiture sera provisoirement mise en fourrière ».
Rapidement, du côté du FLN, le boycott du couvre-feu est envisagé. Une manifestation pacifique est donc organisée le 17 octobre.
17 octobre 1961
Ce matin-là, Maurice Papon sait depuis quelques heures seulement que les Algériens de Paris et de la banlieue vont manifester ce soir-là, dans la capitale. Le Préfet dispose de 7 000 gardiens de police et de 1 400 CRS et gendarmes mobiles. Ce soir-là, aucun rassemblement ne doit pouvoir se former. Il a carte blanche pour interdire toute tentative de manifestation.
Il pleut ce jour-là sur Paris et sa banlieue. La répression sera d’une violence et d’une ampleur terrifiantes.
Combien y eut-il de morts ? On ne le saura jamais avec exactitude : des centaines de cadavres, certains jamais identifiés, beaucoup furent noyés dans la Seine. Des milliers entassés au Palais des Sports, la plupart blessés et ensanglantés.
On les appelait FMA – Français Musulmans d’Algérie-
Une plaque, posée le 17 octobre 2001, sur le pont St Michel fissure un peu le mur du silence. Est-ce par honte que le pouvoir tenta d’effacer toute trace de cette terrible journée ?
La barbarie a souvent le visage de la civilisation. Mais, aujourd’hui ouvrons grand cette porte de notre histoire. « A la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 ». plaque apposée par le Maire de Paris, Bertrand Delanoé le 17.10.2001 sur le pont St Michel.
Bibliographie
- JL. Einaudi – La bataille de Paris 17 octobre 1961 – Ed. Point