Démocratie, où es-tu ?

- La démocratie s’exerce  par le contrôle collectif des gouvernants par les gouvernés -

En France,  nous sommes en démocratie. Peut-on affirmer, pour autant, que nous avons pu exercer le contrôle   de nos représentants (députés et Président) quand la France s’est engagée à soutenir Georges Bush dans la guerre contre le terrorisme, plus précisément contre  Ben Laden (et en même temps contre le peuple afghan ) et ses réseaux fondamentalistes islamistes, ceux qu’hier les Gouvernements américains ont construits, financés au moment où ils leur étaient utiles dans l’équilibre économico-politico stratégique contre le « Satan communiste » ?

De la même manière, comment pouvons-nous exercer notre contrôle démocratique sur la politique de l’OMC (et donc des Etats qui l’impulse), celle qui défend  l’Accord Général du Commerce des Services (AGCS) qui ouvrirait tous les services et toutes les activités humaines à la concurrence (santé, éducation, culture…), objet de la conférence interministérielle de l’OMC à Doha, capitale du Qatar, du 9 au 13 novembre ? C’est avec la « bénédiction » de l’Etat français et de l’Union européenne que Pascal Lamy – représentant européen au commerce- s’acharne à convaincre, avec Robert Zoellick, représentant du commerce américain, les 142 états membres de l’OMC de « la nécessité d’étendre à l’ensemble de la planète le libre-échange le plus radical, c’est-à-dire le droit du plus fort à étrangler le plus faible »(2).

Dans un cas, nous nous rangeons derrière « l’empire américain », dans l’autre, derrière « le Gouvernement invisible » et ses outils : OMC, multinationales, FMI, Banque Mondiale…

La démocratie est-elle possible, quand les Etats ne sont plus les décideurs ? L’Etat national social (Etat providence), interventionniste et régulateur, est en crise : « il est devenu, sous sa forme ancienne, impossible à restaurer » (1).  Il a perdu sa légitimité et sa crédibilité.
« L’expérience enseigne que la citoyenneté démocratique n’est pas celle qui fait disparaître l’Etat (au profit d’une société civile hypothétiquement autonome)…mais celle qui se traduit par la constitution de puissants contre pouvoirs, face à l’autonomisation des appareils d’Etat séparés de la masse des citoyens et exerçant sur eux répression ou tutelle »(1)

- La démocratie est l’équilibre fragile entre des fonctions de consensus et des fonctions de conflit -

Qu’est-ce qui nous assure que la Démocratie sera plus réelle parce que les décisions relèveront systématiquement de la consultation directe (ou semi-directe) des citoyens ?

Au lendemain des attentats terroristes aux Etats-Unis, la majorité du peuple aurait sans doute voté l’entrée en guerre contre  le « Satan fondamentaliste islamiste ». De même, par référendum sur l’Europe, les accords de Maastricht, ceux qui nous engageaient dans l’Europe marchande, ont été approuvés par le peuple.

 Sans recul, sans débats, le matraquage médiatique nous enlève la possibilité de choix. Seule la confrontation des idées peut permettre que la Démocratie soit réelle.

 « En France et en Italie, pendant environ 30 ans, un certain degré de démocratie a été obtenu notamment parce que des forces capables de mobiliser les travailleurs ont rempli la fonction tribunicienne d’entretien du conflit social »(1). Le rapport conflictuel du mouvement ouvrier avec l’Etat constituait l’une des bases de l’émergence du contre pouvoir. En quelque sorte, la Démocratie, c’est laisser s’exercer le conflit, plutôt que de l’éviter au profit d’un consensus dans lequel la question de savoir ce qui unifie une majorité est de plus en plus obscure.

En France, en Europe, dans le monde, les espaces de Démocratie existent, encore faut-il les occuper. Les mouvements locaux ou internationaux de lutte contre la mondialisation libérale les utilisent : quand les postiers et les syndicats du Territoire de Belfort luttent contre la partition de la Poste -logique de séparation des activités préparant la privatisation des secteurs entiers et des suppressions d’emplois- quand les mouvements associatifs, syndicaux, politiques manifestent contre la guerre, contre le terrorisme, pour la paix, à Belfort le 11 octobre, quand ils se mobiliseront le 10 novembre contre les accords en préparation à Doha, au Qatar, quand ils se préparent au Forum Social Mondial de Porto Alegre, du 31 janvier au 5 février 2002.

Ces luttes et ces mouvements ont du sens quand ils sont alimentés par des idéaux collectifs, enracinés dans les mouvements de contestation sociale de l’ordre établi, celui du « marché-roi »

Ils redonnent à nos combats épars le fil d’Ariane qui nous fera sortir du labyrinthe (3).

Odile Mangeot
 

(1) Etienne Balibar – « Droit de cité – Culture et politique en démocratie » éd. L’aube – 1998
(2) Raoul Marc Jennard – Grain de sable d’ATTAC du 15.10.2001
(3) Cf exposé de Daniel Arnaud, dans ce bulletin

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