En Afrique : pétrole, armes et guerre

Contribution de Fabien Desgranges

 

 

En Angola, comme au Congo Brazzaville, les populations subissent le fardeau insupportable de la dette depuis de nombreuses années. Rien de cela n’est une fatalité et quelques rappels sur les faits doivent bien nous faire prendre conscience à quel point les dirigeants (en Occident, comme en Afrique) préméditent et dissimulent des politiques plus que douteuses, voire criminelles, dans le but de piller tout un pays.

 

Le Congo-Brazzaville

 

C’est un pays de 3 millions d’habitants et potentiellement riche en ressources pétrolières. En 1979, Denis Sassou Nguesso accède au pouvoir et va laisser l’entière liberté à l’entreprise Française Elf, de l’exploitation et de la vente du pétrole congolais. Il détourne les rentes pétrolières du pays pour son enrichissement personnel et au profit d’Elf. Sa fortune est estimée à un milliard de francs alors que le pays cumule déjà une dette de 10 milliards de francs en 1985. Elle n’a fait que se creuser depuis et elle est proche actuellement de 30 milliards de francs. Le pays est une véritable " pétrodictature ", en totale phase avec Paris, Washington, Londres et Moscou. C’est le règne de la corruption généralisée, des luttes de clans pour le pouvoir, et de sombres montages financiers organisés par l’intermédiaire d’Elf, de la France, et de grands groupes financiers tels la Société Générale, Paribas, la BNP, le Crédit Agricole. Il s’ensuit une participation très active d’hommes politiques français et de hauts responsables de l’Etat. Tous ces circuits sont chapeautés par différents réseaux émanant de l’Elysée (réseaux Pasqua, réseaux J.C Mitterrand…). On est en présence d’un véritable " groupe criminel organisé " qui, à travers des principes très simples, a des objectifs permanents : échapper aux lois sociales, fiscales et pénales du pays. Le but est évidemment de détourner de l’argent à des fins personnelles et politiques (financement des partis politiques).

 Il est avéré, par exemple, que les fausses factures du RPR Parisien font de fréquents détours par le Congo. De même, la FIBA (banque française intercontinentale) a arrosé un grand spectre de la classe politique française en lui achetant son silence sur la criminalité financière en Afrique. D’après Les Echos, la FIBA est " une sorte de tiroir caisse qui permet des mouvements de fond, souvent en liquide, entre la France, le Gabon, le Congo et la Suisse ".

Fin 98, c’est le début d’une guerre civile que Sassou engage contre une population révoltée par le régime autocratique. Entre décembre 98 et décembre 99, on assiste à des massacres de populations entières : c’est un nettoyage ethnique contre les populations du sud du pays, et cela avec une très grande sauvagerie. Le bilan est proche de 100 000 morts, soit au moins autant que les conflits du Kosovo, du Timor Est et de la Tchétchénie réunis, pendant la même période. Cet événement est passé inaperçu de l’opinion mondiale, car volontairement occulté par les Occidentaux, et pour cause : la France, tant au niveau diplomatique que militaire, a soutenu activement le régime dans le but évident de maintenir tous ses intérêts économiques, confortée par les USA dont le lobby pétrolier puissant ne voulait pas d’un autre homme au pouvoir.

On peut dire que le Congo a été ruiné par le pétrole. Il a suscité des appétits financiers tels que les rentes pétrolières lui ont été soustraites entraînant un surendettement et plongeant le pays dans la misère généralisée.

  

L’Angola

 C’est un pays de 11 millions d’habitants et, potentiellement, l’un des plus riches d’Afrique (de par ses richesses minières et pétrolières). Seulement 50 000 Angolais vivent décemment. La guerre absorbe 40% du budget de l’Etat et la production agricole ne couvre plus les besoins du pays, alors qu’avant 1975, l’Angola était exportateur net de produits agricoles.

La dette y atteint 79 milliards de francs en 1999 et le pays, tout comme le Congo, fait partie des 41 Pays Pauvres Très Endettés(PPTE).

Depuis l’indépendance, en 1975, c’est la guerre permanente entre le MPLA (mouvement populaire pour la libération de l’Angola), d’inspiration marxiste et l’UNITA (union pour l’indépendance totale de l’Angola), soutenue par les Américains. On ne compte plus les ravages subis par le pays : civils massacrés, campagnes ravagées, mutilés innombrables…. Tout cela, financé par l’argent du pétrole offshore et des diamants. L’économie de guerre satisfait bien sûr le pouvoir et les généraux, ce qui contraste fortement avec toute la misère de la population.

La France y joue un rôle prépondérant, et cela, depuis Giscard d’Estaing. En 1976, il demande aux services secrets français de fournir l’UNITA en armes et instructeurs. En 1981, Mitterrand, après un court refus, va vite reprendre le soutien logistique avec l’aide d’Elf. Elf répartit, elle même, les rôles pour chacun des belligérants : Alfred Sirven, côté UNITA, et André Tarallo, côté MPLA. De même, la France, en 1985, soutient parallèlement le MPLA en lui envoyant du matériel militaire. Le lobby pro UNITA en France est constitué de nombreux politiques tels Giscard, Léotard, Longuet, Goasguen , Toubon, Pasqua. En 1994, le réseau Pasqua (avec Falcone, Gaydamak, Marchiani, Tarallo…) est complètement infiltré dans l’appareil d’Etat angolais. Le président Dos Santos ne cache pas son admiration devant Pasqua, alors Ministre de l’Intérieur en France. Ce réseau s’active particulièrement à exporter des armes de la France vers l’Angola et se trouve au centre de trafics très juteux.

L’enjeu pétrolier est de taille et l’exploitation des gisements nécessite de très gros investissements de départ. L’Angola est en passe de devenir le premier producteur pétrolier africain avec une recette annuelle estimée à 100 milliards de francs (dont 1/3 est prévu pour Elf). Négociéss en 1999, les trois blocs pétroliers sous marin angolais renferment la plus vaste réserve mondiale encore inexploitée. C’est Elf, BP-Amoco et Exxon qui s’en partagent l’exploitation. 15% des recettes de ces gisements sont gagées dans la fourniture d’armes pour l’armée angolaise. Les ventes approvisionnent aussi, directement, les comptes présidentiels  : c’est du " pur " vol vis-à-vis du peuple angolais.

Dans toutes ces sordides combines, une place importante est à donner à l’homme d’affaires franco-russe Arkadi Gaidamak et son associé français Pierre Falcone, tous les deux au coeur de ce qu’on a appelé " l’Angolagate ". Ils ont, depuis 1993, assuré la fourniture d’armes à l’armée angolaise, touchant au passage des commissions (Gaydamak a touché, au total, 135 millions de dollars). Bien plus loin, on s’aperçoit que Gaydamak est la tête de pont d’un réseau reliant l’Angola aux secteurs obscurs de la Russie. Il est lié personnellement à des figures emblématiques de la maffia russe ainsi qu’à des personnalités de l’Etat russe, totalement corrompues. Cet homme n’est pas un simple vendeur d’armes. Il achète, en 1996, la dette angolaise à la Russie mais en la payant à hauteur de 15% de sa valeur nominale, le reste " compensé "par la livraison directe de pétrole (1,5 million de tonnes par an) à sa propre société : le gain sera de 100 millions de dollars et, tout cela, avec la bénédiction de Moscou.

D’autre part, avec l’un de ses amis russo-israëlien, il va en 2000 s’octroyer le droit exclusif de la vente des diamants angolais, commerce très juteux . Moscou fera d’ailleurs pression sur l’Angola pour que la totalité des diamants, via Gaydamak, soient vendus aux Russes, en échange de la remise de dette.

En Angola comme au Congo, la dette naît du pétrole. Les ressources économiques sont volées à la population et alimentent directement les paradis fiscaux ainsi que les achats d’armes.

 Conclusion

 

La France, c’est connu a, depuis les années 60 et la décolonisation, maintenu sous contrôle ses anciennes colonies, dans un premier temps grâce au réseau " Foccart ". Foccart était le bras droit de De Gaulle en Afrique et il a tout fait pour maintenir la dépendance des pays africains, en utilisant l’assassinat, la fraude électorale et la corruption : le tout étant justifié par " la raison d’Etat ".

 Depuis les années 80, (avec les Pasqua, Mitterand, Tarallo, Sirven…) on est passé à une criminalité financière et économique d’une très grande ampleur. Un pas a été franchi en Angola et au Congo de par des guerres programmées et combinées avec l’exploitation pétrolière. Il y a un lien très fort entre le pétrole, les ventes d’armes, les services secrets et la maffia. Ce phénomène a accentué l’essor des paradis fiscaux où circule tout l’argent sale provenant du pétrole.

 Il devient plus qu’urgent, pour nous citoyens, de réagir et de demander des comptes à nos dirigeants. Il faut dénoncer et mettre à jour tous les acteurs qui perpétuent un tel système.

 

Refusons cette domination destructrice du monde par quelques uns.

  

Fabien Desgranges.

 

 

 

d’après " l’Envers de la Dette " François Xavier Verschave – ed. Agone