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La Coopération Française en Afrique: la décolonisation inachevée dans un contexte catastrophique

Intervention de Dominique Gros, lors de la réunion-débat à Colmar le 2 mai 2002

 

Les inégalités Nord/Sud ne cessent de croître

Quelques éléments introductifs, extraits d’un article de Bernard Cassen, après le sommet de Doha, au Qatar

  • Jamais les inégalités n'ont été aussi profondes entre le Nord et le Sud, comme à l'intérieur de chaque société.
  • Début de reprise de conscience après le 11 septembre 2001. Mais le poids des USA dans l'OMC avec la complicité active des Européens ont permis, après le sommet à Doha, de relancer un nouveau " cycle du développement ", fondé sur l'idée, démentie par les faits, que l'ouverture des marchés est un facteur de croissance partagée (cf la crise en Argentine). Rappelons que, après avoir décrit les manifestants de Gênes de juillet 2001 comme " un ramassis de voyous ", M. George Bush avait déclaré que " tous ceux qui sont contre le libre-échange sont contre les pauvres " 
  • De l'avis des participants occidentaux au sommet de Doha, les négociations " pourraient déboucher sur un nombre inappréciable de réformes contribuant à l'ouverture des marchés ", ce qui signifie qu'elles " ont constitué une victoire pour M. Robert Zoellick, patron de la diplomatie commerciale américaine ", pour ce dernier et pour M. Pascal Lamy, commissaire européen au commerce, " tous deux libre-échangistes convaincus ".
  • De " nouveaux sujets " entrent dans le champ de compétence de l'OMC : concurrence, marchés publics, " facilitation " des échanges (notamment accélération des procédures douanières) et, surtout, investissement et services:
  • L' Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), expulsé par la porte de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1998, risque de revenir par la fenêtre de l'OMC dans les années qui viennent.
  • L' AGCS (accord général sur les services) relance un cycle de négociation autour des services publics, en particulier ceux de la santé et de l'éducation.
  • On a fait état de l'avancée que constitue l'accord sur les aspects du droit de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic) et à la santé publique en ce qui concerne l'accès aux médicaments. L’interprétation de cet accord permettant aux pays de produire des médicaments génériques a été validée à Doha. Mais pour ceux qui n'en produisent pas et voudraient en importer ? Rien n'est réglé.
  • Deux chiffres en disent long sur le " libre-échange ":
  • Les pays capitalistes avancés consacrent chaque année 360 milliards de dollars à la protection de leur agriculture
  • et 450 milliards de dollars à celle de leur industrie, soit 810 milliards de dollars
  • Sans compter que le système Echelon et la National Security Agency encouragent des ententes entre groupes officiellement concurrents afin de conquérir des marchés étrangers. La concurrence tue la concurrence, de même qu'un capitaliste en élimine un autre. La concurrence et le monopole ne sont pas des pôles antagonistes : la domination monopolistique est inscrite dans la logique même de la concurrence.

 

Les mythes entretenus du libre échange

A la veille de Doha, la Banque mondiale avait annoncé que la suppression de tous les obstacles au commerce (le libre-échange) augmenterait la richesse mondiale de quelques 2 800 milliards de dollars à l'horizon 2015, et arracherait 320 millions de personnes à la pauvreté.

Les travaux de l'économiste suisse Paul Bairoch montre qu'il n'existe aucune corrélation historique entre la croissance du commerce et celle de la richesse mondiale.

Même si la corrélation était avérée exacte, on ne peut imaginer l'avenir d'un système planétaire qui creuse un fossé croissant entre les plus riches et les plus pauvres, où un PDG d'une entreprise de communication transnationale émarge à 2 millions d'euros mensuel, notre richesse de pays riche par habitant se situant autour de 25 000 $ USD en 1995. (en moyenne avec un phénomène de fracture croissante à l'intérieur des pays riches également, cette disparité est la nature même du système libéral non régulé: 50% des français vivent avec un salaire inférieur à 7000 FF/mois)

 

Mais allons en Afrique …

1 - La situation macro-économique en Afrique:

PNB/tête en Afrique en 1992 en $ USD

Bénin 410
Bostwana 2,450
Burkina Faso 310
Burundi 210
Cameroun 830
Cap Vert 840
République Centrale Africaine 410
Tchad 220
Comores 530
Congo 1,110
Côte d’Ivoire 680
Guinée équatoriale 340
Ethiopie 110
Gabon 4,220
Gambie 370
Ghana 460
Guinée 490
Guinée Bissau 220
Kenya 330
Lesotho 610
Madagascar 230
Malawi 230
Mali 310
Mauritanie 540
Ile Maurice 2,800

En ce qui concerne l'Afrique subsaharienne, les chiffres publiés par la Banque Mondiale ont une valeur "relative":

  • 48 pays de la zone ne disposent pas de statistiques de base complètes et fiables. Certaines parmi les plus importantes, relatives par exemple à l'activité industrielle, font fréquemment défaut (Angola, Tchad, Erythrée, Guinée, Mozambique, Namibie, Zaïre, Zambie, Zimbabwe...) ou datent de dix ans et plus (Nigeria, Rwanda, Gabon...).
  • Un petit nombre de pays n'ont pas de statistiques connues pour certains indicateurs. Les données publiées pour ces pays représentent habituellement des estimations fondées sur des notions voisines ayant des niveaux similaires de PNB par habitant

Les chiffres publiés par la BM ne tiennent absolument pas compte de l'économie parallèle qui devrait permettre d'effectuer des correctifs à des chiffres qui justifient paradoxalement … qu'aider l'Afrique équivaut à remplir un tonneau percé… d'où une baisse permanente des aides au développement constatée dans les faits.

 

2 - La situation sociale et humaine en Afrique

Le Rapport mondial sur le développement humain 1997 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) révèle une réalité sociale alarmante.

  • Sur les 50 pays les plus pauvres du monde, classés selon l'indice de pauvreté humaine du PNUD, 33 sont situés en Afrique subsaharienne. 45 % de sa population, soit 266 millions d'habitants sur 590 millions, souffrent de pauvreté.
  • et la situation ne fait que s'aggraver : la proportion des pauvres a augmenté et les personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour sont passées de 179 millions en 1987 à 218 millions en 1993, soit 85 % de la population en Zambie, 72 % à Madagascar, 65 % en Angola, 61 % au Niger, 50 % en Ouganda
  • Entre 1981 et 1989, on a enregistré en Afrique subsaharienne une baisse cumulée de 21 % du PNB réel par habitant. Ce recul a touché à la fois les pays ayant entrepris des ajustements structurels et les autres (...). Les reculs les plus graves ont été observés au Gabon (58 %), au Nigeria (50 %), en Côte-d'Ivoire (42 %) (...). Même dans les années 90, près de 32 % des personnes vivant dans la région ne devraient pas atteindre l’âge de quarante ans.
  • On y compte un médecin pour 18 000 habitants (contre un pour 350 dans les pays industrialisés), les deux tiers des 23 millions de séropositifs, et le virus y progresse plus rapidement que partout ailleurs, moins d'une personne sur deux y dispose d'eau potable, une sur deux n'a pas accès aux services de santé, la production alimentaire par habitant a régressé depuis 1980, la population illettrée est passée de 125,9 millions en 1980 à 140,5 millions en 1995, etc.
  • Pendant ce temps, les inégalités dans le monde ne cessent de s'accroître. " En 1994, le rapport de revenu entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres était de 78 contre un, nettement plus qu'en 1960 : 30 contre un"

 

3 - Les aides au développement

Typologie:

Aide publique au développement (APD)

On entend par APD le montant net des dons et des prêts accordés par des organismes publics aux pays et aux territoires figurant sur la liste des bénéficiaires du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à des conditions de faveur (dans le cas des prêts, l'élément assorti de conditions libérales doit être d'au moins 25%). L'objectif principal doit être la promotion du développement économique et du bien-être des populations. Outre les apports financiers, l'aide englobe la coopération technique. Les dons, prêts et crédits consentis pour des motifs militaires ne sont pas pris en compte.

Aide bilatérale

Part de l'APD mise en œuvre directement par l'État au bénéfice des pays partenaires. L'aide bilatérale peut prendre des formes diverses : dons ou prêts à des taux préférentiels pour le financement d'investissements, assistance technique, concours budgétaires, aide alimentaire et aide d'urgence…

Aide multilatérale

Contributions versées, au titre de l'APD, à des organisations internationales dont sont membres des États et dont l'activité est consacrée en totalité ou en grande partie au développement : banques multilatérales de développement (Banque mondiale, banques régionales de développement), institutions des Nations unies, organismes régionaux (par exemple Union européenne).

Aide hors projet

Catégorie ou instrument de l'aide. L'aide hors projet, appelée aussi aide programme, est attribuée sous forme de soutien financier visant à rétablir les équilibres budgétaires de certains pays.

Aide projet

Catégorie ou instrument de l'aide. L'aide projet, appelée aussi aide à l'investissement, est attribuée sous forme de dons et de prêts pour la réalisation d'études, d'infrastructures ou d'actions pour le développement.

Assistance technique

L'assistance technique, qui désigne l'ensemble des ressources humaines œuvrant localement pour faciliter la mise en œuvre des projets de développement, est assurée par des consultants, conseillers, ingénieurs et techniciens, personnels administratifs, personnels de santé et enseignants qui exercent leurs fonctions dans les pays bénéficiaires pour une période pouvant aller de 3 mois à 6 ans.

Projet de développement

Programme à durée déterminée, auquel sont affectés des moyens financiers, techniques et humains, mis en œuvre en vue de la réalisation d'un objectif de développement clairement identifié.

Projets d'intérêt général

Catégorie de projets dont plusieurs pays en développement sont bénéficiaires. Les projets d'intérêt général permettent :

  • de définir des politiques sectorielles et de réaliser des opérations pilotes ;
  • d'élaborer des programmes transversaux ;
  • de cofinancer les projets mis en œuvre par la coopération non gouvernementale (organisations de solidarité internationale et coopération décentralisée).

 

De l'avis (aveu) même de l'OCDE (rapport du 01 octobre 1999: Yasmin Ahmad, Direction de la coopération pour le développement)

" Tendance à la baisse

L’aide publique au développement (ADP) a sensiblement fléchi. En 1997, le montant total de l’aide s’est élevé à 0,22 % du PNB global des pays membres du CAD : c’est le niveau le plus bas enregistré depuis l’introduction du concept de l’ADP dans les années 60. En revanche, les apports privés ont nettement augmenté. Cela reflète en fait les flux d’investissements directs étrangers vers les pays bénéficiaires. Cependant, les chiffres disponibles ne permettent pas de rendre compte de l’impact global de la crise financière en Amérique Latine et en Asie sur les apports privés, notamment au niveau des investissements directs étrangers."

Situation dramatique quand on sait que depuis des années le développement durable économique s'appuie en priorité sur l'infrastructure sociale et tout particulièrement l'éducation et la santé.

 

Que fait la France ?

 

Montant de l’aide publique au développement

en provenance des pays du CAD en 1997

paysAPD% PIB
Allemagne 5 913 0.28
Australie 1 076 0.28
Autriche 531 0.26
Belgique 764 0.31
Canada 2 146 0.36
Danemark 1 635 0.97
Espagne 1 227 0.23
Etats-Unis 6 878 0.09
Finlande 379 0.33
France 6 348 0.45
Irlande 187 0.31
Italie 1 231 0.11
Japon 9 358 0.22

Résultats " flatteurs " mais :

On notera que pour la France:

  • la part de l’aide multilatérale est faible ce qui traduit toujours une volonté politique de la France de maintenir ses relations spécifiques avec l’Afrique (à la différence des pays scandinaves par exemple ou la proportion AM/AB est inverse). On retrouve le même travers en ce qui concerne les USA, via leur programme USAID qui est un des chevaux de bataille de la "conquête" américaine en Afrique.
  • Que dans la part bilatérale, la part de l’Aide projet ou programme est très faible, ce qui là aussi place la France dans une position très particulière par rapport à d’autres pays pratiquant l’AB, comme l’Allemagne par exemple. Ce n’est pas un hasard, l’aide projet implique des méthodes de conduites de projet, un système d’évaluation sur des résultats concrets, un engagement d’homologues nationaux … et cela dérange la particularité des relations Franco- Africaines (basées sur le clientélisme…)

 

4 - Les pratiques françaises en Afrique

Tendons l'oreille, ce qui dit la rue en Afrique, de nos pratiques:

Les médias francophones africains ont brodé avec jubilation, au moment de l'ouverture des instructions autour de l'ex-compagnie pétrolière Elf, les relations - et éventuelles complicités - de l'ex-" Papamadi " Jean-Christophe Mitterrand dans des trafics d'armes, les financements occultes, caisses noires, emplois fictifs...

Dommage, personne en France, surtout en cette période électorale troublée, ne se regarde dans son miroir de perpétuel donneur de leçons … au reste du monde … La France se comporte toujours de manière emphatique et par discours (de préférence républicain) pour demeurer une moyenne puissance - ou moyenne impuissance, selon le mot cruel de l'ambassadeur Guy Georgy …

" Magouille ! " : la société Elf a disparu comme par enchantement, à l'aube des procès, sous le manteau de Total.

" Spoliation ! " : d'énormes déplacements de fonds (pompés … sans jeu de mots sur les richesses africaines) ont enrichi la France et les caisses des partis politiques et tout particulièrement via l'activation du réseau africain de Jacques Foccart.

Comme disait un fonctionnaire du Ministère de la Coopération s'opposant en son temps au projets de réforme de JP Cot: " Pas question de banaliser la relation avec l'Afrique en la confiant aux diplomates du Quai. Le "champ" est une affaire personnelle de la France, une affaire de personnes " 

" Réparations ! " : pour compenser les contrats léonins imposés à plusieurs Etats africains, les présidents faits ou défaits, les armes ont tué par procuration... tout particulièrement dans l'Afrique des Grands Lacs…

Comme l'a noté avec acuité un journaliste de RFI (Radio France International) " La traditionnelle grand-messe du sommet franco-africain - les 18 et 19 janvier (2001), à Yaoundé, au Cameroun - s'est déroulée sur fond de ventes d'armes et de corruption, alors que l'épiscopat catholique, prenant acte justement de la " dégradation " de l'image de la " patrie des Droits de l'Homme ", venait d'écrire au président Jacques Chirac, lui reprochant d'être " complice, au moins par son silence, de gouvernants qui pratiquent la fraude électorale, la confiscation des ressources au bénéfice de groupes ou régions particulières, l'emprisonnement - parfois même l'élimination physique - d'opposants ou de journalistes ".

Le cas de la Côte d'Ivoire est révélateur, après une période électorale troublée, la "Realpolitik a aussitôt repris le dessus. " Vu le poids de la Côte-d'Ivoire, il ne faut rien faire qui puisse la déstabiliser ", a indiqué M. Jacques Chirac, lors du sommet de Yaoundé. La coopération a été reprise. L'Union européenne a emboîté le pas. Et pour le militaire, Abidjan a encore bien trop besoin de Paris pour assainir son armée putschiste..."

 

5 - Le retour du clientélisme après la tentative de JP Cot

Extrait des "désillusions de Jean-Pierre Cot " par Eric Fottorino" (dossier du Monde")

JP. Cot, nommé ministre de la coopération sous le gouvernement Mauroy, obtient que, dans son portefeuille, soit mentionné le mot " développement ". S'il ne connaît guère le continent noir, il sait déjà qu'il veut " décoloniser la coopération ", aérer le pré carré pour l'ouvrir à toutes les Afriques, lusophone, anglophone comprises. ../…

A l'époque de sa nomination, il comptait des appuis précieux, comme celui de Claude Cheysson (au Quai d'Orsay), Edgard Pisani (commissaire au développement à Bruxelles), Jacques Delors (aux finances) ou Pierre Mauroy à Matignon

D'emblée, Jean-Pierre Cot a voulu la rupture. Sans comprendre, sans admettre, que François Mitterrand souhaitait, dans cette région du monde, la sauvegarde d'un ordre ancien, donc le respect de dictateurs et d'autocrates, si tel était le prix à payer comme garantie de relations durables, tranquilles, et bénéfiques pour la France.

Dans les premiers temps du septennat, le nouveau président se constitue un capital de gauche en prononçant le discours de Cancun (1)

Adoptée le 18 mai 1982, la réforme - très édulcorée - fut signée par le seul premier ministre. Tout juste rentré d'un voyage en Afrique francophone, François Mitterrand s'était gardé d'y apposer sa griffe.

Début 1983, en visite à Libreville, le président français redonna le ton : " C'est moi qui définis la politique étrangère de la France, pas mes ministres ".

Avec Christian Nucci, Rue Monsieur, et "Jean-Christophe" à l'Elysée, la politique de coopération perdait en idéal ce qu'elle gagnait en débraillé consensuel. On se tutoyait de nouveau entre Paris et l'Afrique. Le temps "des copains et des coquins" recommençait. L'affaire Carrefour du développement, qui devait éclabousser Christian Nucci et Guy Penne, n'éclaterait qu'en 1986.

(1 )c’est Mitterrand qui a permis à D.Rastiraka, autocrate malgache, d’achever son palais présidentiel, véritablement bunker de luxe à quelques kms de Tananarive, que … les Coréens du Nord n’ont pu terminer faute d’argent frais. Voilà encore une belle action qui fait monter la part de l’AD dans les statistiques du Quai d’Orsay…

6) Quelle coopération au delà du clientélisme ?

Analyse de JP Cot en 2001

" Alors que le monde a vécu ses "trente glorieuses", la production agricole et industrielle africaine a plafonné. Les efforts pour lancer une industrie autochtone ont échoué. La corruption, déjà très généralisée, s'est encore développée et concentrée entre les mains des élites politiques et bureaucratiques, ne laissant guère d'espace au développement d'une classe d'entrepreneurs et de techniciens. Pourtant, aucune région du monde n'a bénéficié d'autant d'efforts de la part de la communauté internationale. Les sommets d'aide à l'Afrique se sont multipliés. Les sommes versées au titre de l'aide au développement ont été considérables. Des mécanismes ingénieux de solidarité technique, économique et financière ont été insérés dans l'accord conclu entre la Communauté européenne et les pays africains. L'échec estpatent. René Dumont avait raison ; il continue d'avoir raison, après un demi-siècle. Nous avons été incapables d'inverser la tendance. "

Je continue de croire qu'il s'agit d'une priorité. L'avenir de l'Afrique passe par sa réinsertion dans l'économie mondiale. La taxe Tobin et le discours anti-mondialiste d'Attac ne me paraissent pas constituer des réponses crédibles aux problèmes concrets de l'Afrique. Sous une apparence généreuse, ils incitent à un repli économique constituant une impasse. Mais, à l'époque, je n'ai guère réussi à convaincre le patronat français ou le ministère de l'industrie de l'intérêt d'une coopération industrielle

" SMALL IS BEAUTIFUL ". Le développement autocentré était une formule portée par le mouvement des organisations non gouvernementales (ONG). Il présentait un intérêt politique certain. Il permettait de mobiliser la société civile, en France comme au sud du Sahara, de renforcer un mouvement d'opinion par des réalisations concrètes. Nous avons beaucoup poussé à la roue, malgré un certain scepticisme des services. Le développement autocentré était un facteur de développement social. Etait-il pour autant une clef du développement économique ? Je ne le crois pas. Je ne veux pas sous-estimer l'importance des puits et des éoliennes dans le développement des communautés villageoises. Mais les enjeux du développement économique et social en Afrique sont d'une autre dimension. Le développement de la démographie et le phénomène d'urbanisation ont changé la donne. Quant au co- développement, il suppose que chacun y trouve son compte, ce qui n'est pas le cas."

 

Débat contradictoire

Quels axes de progrès ?

  • La coopération décentralisée sous contrôle "citoyen" Michel Raffoul
  • "La coopération décentralisée, nouveau champ de la solidarité internationale, est la seule démarche innovante et prometteuse de coopération. Ces initiatives concernent pourtant la quasi-totalité des villes françaises. Aux côtés de communes défavorisées des pays du Sud ou de l'Est, les municipalités engagent des projets de développement qui privilégient le partenariat et les actions à long terme. Pour les acteurs impliqués, ces programmes constituent une véritable école de l'engagement qui pourrait bien, face à la libéralisation des flux financiers, être à l'origine d'une mondialisation des mouvements de solidarité civique."

    Ce type de pratique est à encourager à plus d'un titre: efficacité, éducation populaire et tout particulièrement des jeunes, à une époque où il est grand temps de réapprendre la notion de village mondial, de solidarité, de vertu du travail et de l'engagement, d'accueil de l'étranger et d'acceptation de la différence.

    Malheureusement ces 6 000 programmes internationaux, dans pas moins de 114 pays, ne sont pas connus du grand public. Le financement apporté par les collectivités locales entraîne des aides parfois importantes de l'Union européenne ou de l'Etat français, qui a versé cette année 69,7 millions de francs pour 319 projets, soit un budget en progression de 62 % depuis 1994.

     

    2- Un arrêt des pratiques d'ajustement structurel et la revitalisation des services publics en Afrique

    Octobre 1997 " Sortir du cycle infernal de la dette " par Eric Toussaint

    " Bien qu'elle ait déjà remboursé deux fois le montant de sa dette extérieure entre 1980 et 1996, l'Afrique subsaharienne se retrouve trois fois plus endettée qu'il y a seize ans. Elle devait à ses créanciers 235,4 milliards de dollars fin 1996, contre 84,3 milliards en 1980. Entre-temps, le sous-continent aura déboursé 170 milliards de dollars pour le service de la dette (intérêts et capital) ; un service qui lui coûte chaque année quatre fois le montant des budgets de santé et d'éducation " .

    Depuis près de quinze ans, des plans d'ajustement structurel sont imposés à la plupart des pays d'Afrique subsaharienne, assortis d'un moyen de chantage efficace ( la ligne de crédit est suspendue si les autorités refusent le plan) dont les effets sociaux et économiques sont souvent désastreux : abaissement du rôle redistributeur de l'Etat, baisse de la production nationale dans les secteurs agricole et semi-industriel, dégradation des conditions de vie de la majorité de la population.

    N'oublions pas le racket très efficace opéré par les grandes entreprises françaises sur la plupart des régies et organismes publics africains, sous prétexte de "lutte contre la mauvaise gestion et la corruption" (en particulier les récupération de Bouygues dans le secteur des télécoms) ce qui permet de privatiser les gains sous financement public (APD) de la France et de ses contribuables…

    3- Casser la dialectique du Maître et de l'Esclave

    Le philosophe Hegel a expliqué que la dialectique du Maître et de l'Esclave s'appuie sur la conscience de l'Esclave qu'il a d'être protégé par son Maître ; sans lui, il ne survit pas.

    Au niveau des relations France Afrique, c'est bien de cela qu'il s'agit.

     

    Voici mon témoignage:

    Années 85/90. Je suis assistant technique pour la coopération française en Côte d’Ivoire, chargé d’aider le Ministère de l’Education Nationale de Côte d’Ivoire de mettre en œuvre le projet de réforme administrative et informatique du MEN (cadre du prêt de la BM).

    • Aucune consigne de la Mission locale de coopération pour la mission. Aucune évaluation de mon travail. Autour de moi, j’observe beaucoup de coopérants français rivalisant de cynisme et d’oisiveté. Je commence à comprendre que l’important est " la présence française en Afrique ", le reste ne compte pas trop.
    • Pas la peine de parler de démarche projet : sensibilisation, participation, approche par objectifs … Tout le monde est occupé à autre chose :

    - les conseillers " blancs ", qui peuplent le cabinet du Ministre ne veulent pas de vagues, ni changer les pratiques. Ils occupent leurs journées à faire de l’administratif (faut il payer des experts à remuer de la paperasse ?) et à sauver leur place dans le cadre de la politique de réduction des effectifs de l’assistance française ou préparer leur réintégration en France (enseignement notamment)- les directeurs et experts ivoiriens délèguent : " moi j’ai mon blanc, il travaille à ma place (sic) ", de toutes façons, l’après-midi, ils s’occupent de leur business à l’extérieur, faut bien vivre… et ce n’est pas le salaire (quand il est versé) qui permet de faire vivre la grande " famille "

    • Les seuls véritablement actifs et intéressés là-dedans sont les opérateurs et les fournisseurs (sociétés de conseils qui débarquent leurs experts, fournisseurs informatiques qui alignent leur matériel et… leurs factures d’honoraires).

     

    Conclusion 

    Comment un système aussi pervers où le dominant achète sa présence en échange d’un confort offert au dominé (à quelques privilégiés) peut changer quand les deux parties y trouvent leur compte ? C’est cela le néo-colonialisme

    La rupture a été vraiment la dévaluation du franc CFA et la politique de repli de l’assistance technique française.

    Le système change-t-il vraiment de nature à cause de la plongée de l’Afrique dans la mondialisation et le libéralisme à tout crin ? Oui, on revient à de l’impérialisme économique pur, sous les décombres de services publics et sociaux réduits à néant.

    Dominique Gros


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