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République et Nation ont-elles encore un avenir ?

Intervention d’Odile Mangeot, lors de la réunion-débat du 27 mars 2002

Au cours de l’Histoire, la France a été Monarchie de droit divin, Empire, Monarchie constitutionnelle, Etat (sous le régime de Vichy), République. La République fut girondine, montagnarde, thermidorienne, directoriale, impériale. Elle fut conservatrice, opportuniste, libérale, radicale, démocratique. La France a connu 5 Républiques, et nous sommes sous régime républicain, en continu, depuis 1871 (si l’on retire la période 1940-1947) après deux retours à l’Empire et à la Monarchie.

La République, celle que l’on idéalise, que l’on évoque comme une incantation et elle le fut largement pendant la période électorale présidentielle récente, mérite que l’on s’attarde sur son origine et sur son histoire, que l’on s’entende sur les bases minimales et les principes essentiels, sans lesquels elle ne peut exister (A). En effet, il semble que la République, depuis sa naissance, ait toujours été écartelée entre une conception " libérale ", plus " individualiste " du " bien commun ", et celle d’ une communauté politique, n’excluant aucun citoyen et prônant l’égalité sociale. Dans les faits, il apparaît que la République ait pu exclure certaines catégories sociales , qu’elle ne se soit construite que par des mouvements sociaux forts, des Révolutions, par une lutte entre les classes sociales qui la composent.

Dans une deuxième partie(B), la notion de souveraineté du peuple sera examinée, ses moyens et plus particulièrement ce qui échappe à la décision du peuple dans notre société du XXIème siècle, pour ouvrir le débat sur " République et Nation ont-elles encore un avenir ?

 

A – La République telle qu’elle s’est construite et ses grands principes

1 - La République s’oppose à l’absolutisme monarchique

A la fin du 18ème siècle, la bourgeoisie, dont le rôle économique s’est accru, désire accéder au pouvoir, en cela poussée par les idées des Philosophes des Lumières. A la veille de 1789, le pays connaît une crise économique due à des mauvaises récoltes ; le déficit de l’Etat s’accentue. Une réforme fiscale est indispensable. Une assemblée de notables convoque les Etats Généraux et se proclame Assemblée nationale constituante. Le 4 août 1789, les députés abolissent les privilèges. Le 26 août 1789, l’Assemblée vote la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Jusqu’en 1792, une Monarchie constitutionnelle tente d’exister.

La 1ère République est proclamée le 22 septembre 1792.

Véritable bouleversement dans la société après plusieurs siècles de monarchie. Il ne s’est pas seulement agi de renverser l’organisation politique mais aussi de créer un nouveau type de société, dans laquelle les droits individuels de l’Homme sont affirmés " formant une volonté nationale " (Sieyès). C’est une doctrine libérale qui s’oppose à l’absolutisme.

Un monde s’est effondré en 1789  (l’Eglise et les royalistes tenteront jusqu’en 1875 de restaurer la monarchie, l’Ancien Régime). Proclamer la République, c’est affirmer qu’il existe une " chose publique " une " res publica " ou une " res populica " " chose du peuple " qui n’appartient plus au Roi, à qui tout appartenait jusqu’alors. Les Républicains reconnaissent unpatrimoine commun " unbien commun " qui appartient à tous, sur lequel la Nation est souveraine.

La Révolution qui s’appuie sur le contexte économique, la misère du peuple, mais surtout, sur le mécontentement du Tiers Etat – la bourgeoisie – a pour véritable source tout un mouvement de pensée libérale, porté par l’Esprit des Lumières. Cette philosophie repose sur l’idée que tout Homme est doué de Raison et de Liberté, qu’il peut développer un " esprit critique ". En ce sens, la Raison s’oppose à toute forme d’autorité qu’elle soit dite " naturelle " ou surnaturelle, qui viendrait de Dieu ou du Roi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen affirme d’emblée " les hommes naissent libres et égaux en droits ".

 Ces grands principes affirmés ne suffisent pas. Cette notion d’égalité sera vite bafouée, par exemple, quand viendra le temps du partage des Biens nationaux, seuls les bourgeois pourront les acheter ; ceux qui n’avaient rien avant la Révolution, n’ont pas plus après la Révolution. S’ils ont la liberté d’acquérir, ils n’en ont pas forcément les moyens ; les métayers sont trop pauvres pour se porter acquéreurs. L’affirmation d’une égalité formelle ne suffit pas à mettre en œuvre une égalité réelle. Aux premières de la République, la capacité à s’occuper du bien commun n’est reconnue qu’aux possédants ; seuls les riches ont droit de vote, car ils peuvent payer le cens. La notion d’égalité n’est pas naturelle ; elle n’est pas une fatalité ou un dessein de Dieu. Elle devient une revendication fondée sur l’égale dignité des Hommes.

La République affirme la souveraineté du peuple. " Ce principe de souveraineté réside essentiellement dans la Nation ".

Elle refuse la souveraineté céleste selon laquelle " tout pouvoir viendrait de Dieu ", celle qui permit à l’Eglise, au Moyen Age, d’augmenter son pouvoir sur le Roi. Elle refuse la monarchie absolue dont Louis XIV représente l’apogée, qui consiste alors à se débarrasser de l’Eglise, affirmant que le Roi est le représentant direct de Dieu sur terre, alors qu’au Moyen Age, il n’était que mandaté et sous contrôle de l’Eglise.

Montesquieu manifeste son attachement aux libertés garanties par les institutions, en particulier la séparation des pouvoirs. Diderot -hostile à tous les fanatismes- défend un matérialisme athée (ce qui lui vaudra d’être emprisonné), prône une morale où le bonheur individuel et le bien général peuvent coïncider, et, sur le plan politique, outre la liberté de pensée et d’expression, une monarchie fondée sur le principe démocratique. Voltaire, engagé par ses écrits, ses pamphlets et ses satires (qui le firent embastiller) est au côté des Encyclopédistes – l’on dit de lui, " il détruit l’autel et préserve le trône ".

La République affirme la souveraineté nationale, l’idée que les Gouvernements ne reçoivent la souveraineté que du peuple. Emerge l’idée du contrat, les sociétés résultant d’une association volontaire. Jean Jacques Rousseau –l’apôtre de la souveraineté populaire - dans " Du contrat social " exprime un idéal républicain. L’individu contractant n’abandonne pas ses droits à un homme ou à une assemblée, mais à tous les autres contractants qui forment un " corps social ", un " être collectif ". Le souverain, c’est le peuple, et le Gouvernement n’exerce que les pouvoirs qui lui ont été conférés.

 

2 – le principe de la souveraineté du peuple est un acquis de la Révolution

Le transfert qui fait pivoter le monde ancien vers le monde moderne est celui qui transporte la source de tout pouvoir et de toute légitimité à la " collectivité publique ", à la totalité des Hommes concernés. Ainsi, l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen affirme " le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer l’autorité qui n’en émane expressément ".

Si le concept de " nation " est inséparable de la République car celle-ci lui délègue la souveraineté, pour autant, il est difficile à cerner, il est " voyageur " au long des périodes de l’Histoire. La Constitution de 1958 nous éclaire-t-elle plus, en affirmant : " La souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants… " " Sont électeurs … tous les nationaux français, majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques " ?

Il n’est question ni d’un territoire, ni d’une ethnie commune, ni d’une langue commune. Il s’agit plutôt d’un " corps social ", d’une " communauté politique ".

La nation française, en tant que " corps social " est le résultat d’un mélange de sangs et de cultures exceptionnel en Europe. Depuis l’origine, l’immigration et le métissage culturels forment la trame de l’histoire du pays. Nos ancêtres les Gaulois sont des Celtes (branche occidentale de la grande famille indo-européenne) au IIIème millénaire avant notre ère, à l’âge du fer. Quelques siècles plus tard, la poussée germanique, venue de l’actuel Danemark, les fera disparaître d’Europe centrale. Les Romains termineront la conquête de la Gaule indépendante à Alésia en 52 avant Jésus-Christ. La Gaule que découvre Jules César, c’est 300 tribus, regroupées en une soixantaine de " nations " que les romains appelleront " cités ", avec des dialectes d’origine celtique, une religion " gauloise gaélique, faite de mythes ". La Gaule apparaît comme une nation balbutiante. Les territoires des cités sont peu stables. C’est la civilisation romaine qui, créant des " oppida ", renforce les cités (sites fortifiés) qui se développent à mesure de l’économie monétaire et du commerce, cités dominées par l’aristocratie foncière et militaire. Système typiquement clanique, le propre de la Gaule est l’absence d’Etat. Très ouverte aux influences extérieures, la Gaule acquiert des frontières fermes dans la logique impériale romaine. La domination romaine dure plus de cinq siècles.

Sur un socle gaulois, le peuple français résulte de plusieurs millénaires d’apports migratoires et de métissages culturels. Viendra ensuite la tourmente migratoire entre le IV et leXèmes siècles d’ une bonne dizaine de peuples germains (Vikings, Goths, Alamans, Burgondes, Huns, Francs), ainsi que des apports non germaniques (les moines venus d’Ecosse et d’Islande), les Arabes, les communautés juives. La période capétienne (Xème-XVIIIème) amènera une immigration d’aristocrates par les mariages exotiques des rois, la venue des Italiens liée à l’économie et à la politique, celle des Hollandais et des Flamands du fait des grands travaux d’Henri IV, celle des maîtres et ouvriers qualifiés italiens au moment de la création des manufactures royales par Colbert, puis les mineurs et métallurgistes d’Allemagne. Les XIXet XXèmes siècles verront l’immigration liée à la révolution industrielle du 2ème Empire, puis du début du XXème, celle des travailleurs non qualifiés : Italiens, Polonais, Portugais, Turcs, Africains du Nord et de l’Ouest.

Tous ces hommes ont formé la " communauté politique " et ont participé à créer le " bien commun ". Ils ont constitué la nation en tant que communauté de projet et d’héritage. Les étrangers, vivant en France, s’incorporent à la nation et acquièrent le droit d’être citoyens, c’est-à-dire, de contribuer à orienter le projet collectif. C’est le " corps social " de Jean Jacques Rousseau, base du pacte social.

Dans la réalité, la conception de la nation prendra une dimension plus ethnique. A la Révolution, Sieyès (député du Tiers Etat) dit que la nation est l’ensemble des associés, tous gouvernés, tous soumis à la loi, ouvrage de leur volonté, tous égaux endroits et libres de leur communication et de leurs engagements respectifs. C’est une unité économique et sociale, concourrant à l’harmonie générale où les citoyens ont leurs fonctions. L’utilité sociale est le critère d’appartenance. il en fustige les " privilégiés " ou les " inutiles ", les accusant de " paresse " " d’orgueilleuse oisiveté ", de " parasitisme ", de " stérilité " qui forment une classe étrangère à la Nation. Cette conception est une " communauté d’intérêts ", voire une " communauté ethnique "

Cette conception ethnique de la nation s’accentuera durant la période 1880-1914, période de grandes migrations de masse, de rivalités internationales croissantes, de luttes d’impérialismes. Les Etats renforcent le patriotisme d’Etat. Il faut " faire des Italiens ", " transformer les paysans en français ", attachant le tout à un drapeau ; c’est l’époque où le nationalisme populaire, les sentiments xénophobes et de supériorité nationales deviennent aisés à mobiliser. Les Etats (de la IIIème République) utilisèrent les moyens pour diffuser l’image et l’héritage de la nation, développant une conception de plus en plus patriotique. Dans le même temps, dans la seconde moitié du siècle, le nationalisme ethnique reçoit d’énormes renforts, du fait des migrations de plus en plus importantes des peuples, mais aussi de la notion centrale des sciences sociales du 19ème : la race ; à partir de la théorie de l’évolutionnisme de Darwin, complétée plus tard par la génétique, se développent nationalisme et racisme.

Depuis 1990, l’on assiste, dans le monde, à un renforcement de la nation, conçue comme " communauté ethnique " et non plus comme " communauté de projet et d’héritage ". Des nations fondées sur le sang et le sol, fermées, entraînant chauvinisme, xénophobie, racisme se développent. Et pourtant, selon Hobsbawm, ce à quoi appelaient les nations était à l’opposé du nationalisme. La grande réussite des régimes communistes, par exemple, est d’avoir limité les effets désastreux du nationalisme en leur sein. La nation aujourd’hui perd une part de ses anciennes fonctions, celle de constituer une économie nationale limitée par le territoire qui formait un bloc dans l’économie mondiale. En Europe, les éclatements s’expliquent par l’histoire des Etats créés entre 1918-1921 sans l’accord et la volonté des peuples : les Tchèques unis aux Slovaques, les Slovènes aux Croates et aux Serbes…, de même, l’idée des républiques soviétiques fondées sur des nations kazakhs, kirghizes, ouzbeks, tadjiks, turkmènes, était une construction théorique plutôt qu’une aspiration des peuples.  

Quand la société échoue, la nation (le repli national) paraît être l’ultime garantie " Hobsbawm.

L’idée de nation, celle qui se conçoit comme une " communauté de projet et d’héritage ", est bien loin de l’idée de " nation ", communauté ethnique et culturelle. Cette deuxième conception pose la question de la souveraineté. Si l’on défend une conception " nationaliste ", celle qui exclut les étrangers du droit de vote, par exemple, donc non admis à exercer leur souveraineté, peut-on parler de République souveraine, celle qui prône liberté et égalité ? Pour Condorcet –philosophe des Lumières, celui que l’on a nommé le Père de la République moderne- le but de la politique ou de " l’art social " est de garantir la conservation des Droits de l’Homme et du Citoyen (et notamment Liberté et Egalité). Dans notre République, cette " raison commune ", celle qui donne à tout homme  le droit de discuter publiquement des intérêts communs à tous les Hommes ", est-elle garantie ?

 

3 – La République garantit Liberté et Egalité

Condorcet, dont " la pensée " dira Jean Jaurès, " fait incontestablement partie du patrimoine de la République ", choisit, en 1789, la République (les philosophes des Lumières Voltaire, Diderot, Montesquieu sont déjà morts) . Il est persuadé que la philosophie a pour objectif d’affranchir les peuples de tous les despotismes politiques et religieux et que la République, luttant pour le " bien commun " doit avoir deux exigences : celle de liberté, celle d’égalité.

L’exigence de liberté, c’est le combat pour la liberté de pensée, comme désengagement de la gangue des vérités imposées par l’Eglise catholique. L’essor des sciences et des techniques perme d’opposer vérités scientifiques aux dogmes bibliques. Pour Condorcet, lutter pour le progrès de la Raison revient à lutter pour le progrès de la Liberté. Ce philosophe n’en reste pas à la parole ; élu député, girondin, il sera ensuite écarté du Comité de Salut Public ; estimant que la Révolution dérive de plus en plus loin des objectifs qu’il lui a assignée, il s’opposera au montagnard Robespierre quand celui-ci, pour sauver la République de la contre-Révolution, menée par les royalistes et les luttes vendéennes, pratiquera la Terreur. Condorcet utilisera son arme préférée : la plume ; il mourra traqué et emprisonné.

L’on perçoit les deux conceptions qui s’affronteront, au long de la longue histoire de la République, et les intérêts divergents pour l’avènement de celle-ci, ceux du peuple éclairé, ceux de tout le peuple – gueux et sans culotte y compris -

La République ne se réalisa pas avec la 1ère République. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen n’y suffit pas. La 1ère République s’achèvera par la proclamation de l’Empire (1804). La 2ème République, quant à elle, ramènera le Second Empire, puis le retour de la monarchie au pouvoir.

La Révolution de 1789 a été faite au nom de la liberté de l’individu, et la liberté de faire. La conception qui l’a emporté est celle de la liberté individuelle. La loi Le Chapelier (1791) définit la liberté du commerce et de l’industrie, à la fois idéal de liberté et individualisme des révolutionnaires bourgeois. La liberté est étroitement liée à la propriété,la propriété est un droit inviolable et sacré ". La souveraineté sera limitée au peuple riche, celui qui peut payer le cens et participer au suffrage censitaire. C’est la conception " libérale " de la République, celle de la bourgeoisie éclairée.

Malgré tout, les années 1789-1799 mettent en évidence un processus révolutionnaire et une conception sociale de la République, celle du peuple. L’idée d’une révolution sociale est exposée pour la première fois avec Babeuf et les Egaux. Quelques années plus tard, l’urbanisation et la ségrégation sociale dans les quartiers, l’afflux des populations rurales dans les villes, chômeurs et miséreux qui cherchent du travail dans les usines, tous ces facteurs feront de la Révolution de 1848 une révolution d’une autre nature : c’est le peuple de Paris qui la mène. De nouvelles revendications apparaîtront : droit au travail, égalité réelle ... La 2ème République sera marquée par une orientation républicaine sociale (Ateliers nationaux de Louis Blanc). Même si la division des Républicains et un coup d’Etat des monarchistes restaure l’Empire, si les " inconciliables " (Ledru Rollin, Louis Blanc, Victor Hugo…) sont exilés, il n’empêche, ce sera différent en 1875. La Constitution de la 3ème République (1875) consacrera une part importante à l’égalité sociale (droit de grève – syndicats – naissance de la CGT – création des bourses du travail – amélioration des conditions des salariés).

Cependant, l’on constatera, là encore, que les Gouvernements de la 3ème République, ont produit une énorme législation d’organisation du capitalisme, des intérêts économiques, agricoles, industriels ou financiers, même si les débats qui ont opposé les radicaux aux socialistes de la SFIO, qui va naître, ont porté sur les problèmes de fond en matière économique, la propriété, les interventions de l’Etat, le protectionnisme, la politique coloniale.

L’exigence de liberté, c’est le combat pour la liberté de penser.

La Déclaration des Droits de L’Homme et du Citoyen affirme dans son article 10 " nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi " et dans son article 11 " la libre communication des pensées et des opinions est un des droits des plus précieux de l’Homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ".

Libertés d’opinion et d’expression seront une constante dans les diverses républiques : les constitutions de la 1ère République de 1791 et 1793 (jamais appliquée) l’affirment ; la constitution de la 2ème République (1848) va au delà puisqu’elle instaure la liberté de presse et de réunion. C’est la 3ème République, avec la Constitution de 1875 (révisée en 1879 et 1884) qui installera durablement cette liberté, élargissant la liberté de la presse, la liberté de réunion, mais aussi les libertés collectives, le souci de l’amélioration de vie des salariés et ouvriers.

Condorcet estime que la Révolution n’aura fondé la liberté que dans la mesure où elle aura libéré les Hommes de la pire des servitudes : l’ignorance. L’instruction publique mettra fin à cette servitude. Elle permet la liberté de penser et peut réaliser l’exigence d’égalité.

Le projet (non abouti), très moderne, de constitution de Condorcet (1792) prévoit " une instruction publique, gratuite et laïque ". L’instruction rend seule, le peuple, citoyen. Elle doit être universelle, égale et complète ; elle doit assurer l’égalité des droits d’accès à la connaissance, reconnaître à tous (garçons et filles) le droit de savoir. Elle est gratuite (sans que la Nation monnaye bourses, cours complémentaires, du dimanche…), indépendante (dans le sens de non assujettie à un but immédiat) car le risque est grand qu’elle devienne le moyen privilégié d’asservir la pensée. Elle ne peut être asservie à aucune doctrine politique, ni assujettie à une autorité religieuse, ni encore soumise à aucun dogme intellectuel ou pédagogique.

La laïcité de l’école est la poursuite d’un long combat depuis 1789 contre l’Eglise, et le pouvoir qu’elle représentait. Quand les biens de l’Eglise furent confisqués, les clercs pris en charge sur le budget de l’Etat - puis les actes de résistance menés par les prêtres réfractaires qui refusaient de faire le " serment à la Constitution "- la rupture sera devenue totale entre adversaires de la calotte et ennemis de la gueuse.

Il faudra, cependant, attendre la 3ème République et la Constitution de 1875 pour que l’école gratuite, laïque et obligatoire soit instituée. Il est toutefois intéressant de noter qu’à la fin de l’Ancien Régime, grâce aux Eglises, à l’Etat et aux communautés villageoises, les écoles élémentaires étaient très répandues. Vers 1840, la scolarité primaire concernait la moitié des enfants de 6 à 12 ans, vers 1875, les 4/5èmes. La loi Guizot (1833) sous la Monarchie de Juillet crée les écoles normales d’instituteurs dans tous les départements.

Les lois Jules Ferry (1881-1882) sur la gratuité de l’enseignement primaire obligatoire et laïque apporteront l’élément de laïcité qui crée l’école de la République. C’est un moyen d’enracinement de la République (les hussards noirs de la République). C’est aussi un instrument de l’ascension d’une classe moyenne, qui sera utilisé par Gambetta et les Républicains " opportunistes ", classe moyenne permettant une assise naturelle du régime. Cela participe enfin de l’unité nationale, par le développement du sens civique, par la création du français comme la langue nationale. Il s’agit de " façonner de nouvelles générations de Français ". Le service militaire (rendu obligatoire en 1889) et l’école, participeront de cette idée. L’enjeu était capital pour les Républicains, qui cette fois, voulaient maintenir la 3ème République ; l’école était considérée comme lieu de formation des citoyens, matrice de la nation républicaine. L’on connaît, en contrepartie, les risques de " formatage " des esprits, les " dérives " à l’époque de Jules Ferry concernant, par exemple, la politique coloniale.

Aujourd’hui, les principes de Condorcet, sur l’indépendance de l’enseignement, non assujettie à un but immédiat, non asservie à une doctrine politique, nous semblent devoir être réinterrogés. L’école du 21ème siècle est-elle indépendante, face à l’entreprise, à la politique ultra-libérale ? Quelle école " républicaine " aujourd’hui, celle qui permet la liberté de penser et assure l’exigence d’égalité ?

L’affirmation des principes essentiels à l’existence de la République et leur mise en œuvre, au cours du temps, permettent de mesurer la différence entre des conceptions différentes de détention et de l’exercice du pouvoir. Les Républiques se dotent de moyens, prévus dans la Constitution et dans les lois, pour mettre en œuvre les principes d’égalité, de liberté, de souveraineté (démocratie représentative, exercice des pouvoirs législatif, exécutif, élection du Président de la République, etc.). Pour autant, la République n’est pas " naturellement " démocratique. Certains, aujourd’hui, affirment que la 5ème République est une monarchie républicaine, car elle donne un important pouvoir au Président.

 

 

B – La République est-elle démocratique et le peuple souverain ?

 

1 -La République n’est pas la démocratie

La République se dote, de moyens plus ou moins démocratiques, pour atteindre l’exigence d’égalité entre les citoyens et pour permettre au peuple d’assurer sa souveraineté. Ce sont, entre autres, la définition et la répartition des pouvoirs, les moyens de contrôle du peuple et la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. Aborder l’ensemble semblerait fastidieux, aussi ai-je choisi de m’attarder à un principe qui me semble essentiel, celui de l’exercice de la souveraineté du peuple.

Cela pose la question de la démocratie ( directe ou indirecte) et du suffrage universel. Le vote permet-il au peuple d’exercer sa souveraineté ? Là encore, le recours à l’Histoire est intéressant.

La République romaine n’était pas une démocratie et pourtant le peuple y votait souvent. Face au peuple existait une aristocratie ordonnée par classe de rangs, un système très complexe. Il existait deux assemblées populaires : les contiones (assemblées informatives), les comices (assemblées qui prenaient des décrets). Le tribun qui présentait le projet de loi était choisi par l’oligarchie, le Sénat. L’assemblée ne pouvait exposer son point de vue, elle disait oui ou non. Le système politique était tributaire du consensus de l’aristocratie, qui exerçait une telle pression sur le vote du peuple que celui-ci était réduit à l’approuver. Seuls étaient appelés à voter les citoyens, (pas les esclaves). Les citoyens étaient classés selon leur rang et leur statut, répartis en 193 centuries ; les citoyens fortunés étaient largement favorisés ; la première classe votait, puis la 2ème…le suffrage était interrompu quand la majorité (97 centuries) était atteinte. Les citoyens pauvres n’étaient presque jamais appelés à voter. Le rituel était celui du consensus. Les comices étaient un lieu politique car ils prenaient des décisions, mais comme ils les approuvaient toujours, ils n’étaient pas un lieu politique, au sens de confrontation des idées.

Et dans la République française, qu’en est-il du droit de vote ?

La Révolution et la 1ère République instituent le suffrage censitaire. " L’universel " s’entend alors comme le groupe des hommes riches et fortunés à l’exclusion des " femmes, des pauvres et des domestiques ". Il devient en 1848, avec la 2ème République, l’ensemble des individus mâles à l’exclusion des femmes. Cela n’alla pas de soi. Le " suffrage universel " est impensable, même pour la fraction de l’élite qui revendique, au nom du mérite, le droit de s’intégrer au monde des privilégiés. Pour l’anecdote, relevons la remarque de Tocqueville, en 1848 " A-t-on jamais vu dans le monde rien de semblable à ce qui se voit aujourd’hui ? Où est le pays où l’on n’a jamais été jusqu’à faire voter les domestiques, les pauvres, les soldats ? Avouez que cela n’a jamais été imaginé jusqu’ici ". Et il ajouta, en se frottant les mains " il sera bien curieux de voir ce que tout cela va produire ". Il en parlait comme d’une expérience de chimie.

Depuis 1944, " l’ universel " est l’ensemble des individus, hommes et femmes, labellisés nationaux à l’exclusion des résidents étrangers, bien que ceux-ci relèvent, dès qu’ils résident de façon permanente dans le même ressort territorial que les nationaux, de la même autorité politique.

Sur le vote des femmes. La pensée des Lumières (sauf Condorcet) nie des droits politiques aux femmes, fondée sur une argumentation biologiste : les faiblesses du corps féminin " squelette plus petit - os plus minces – muscles mous – cerveau réduit !!! ". Sous la Révolution, la Déclaration des Droits des femmes et de la citoyenne d’Olympe de Gouges (1791) reste lettre morte ; le droit d’association des femmes est interdit…

Le 19ème siècle est marqué par la lutte des femmes pour l’obtention du droit de vote : rien n’y fit. On invoque leur incapacité à s’occuper de la chose publique. Les militantes de 1914 argumentent : " pour admettre un homme à voter, exige-t-on qu’il soit intelligent ? " Les radicaux s’y opposeront car les femmes seraient trop influencées par les idées catholiques. Le comble reste le Front Populaire qui fait entrer 3 femmes au Gouvernement alors qu’elles n’ont toujours pas le droit de vote !!!

Sur les étrangers

La mémoire de la Révolution, de la République est étrangement amnésique sur la question de la traite et de l’esclavage des Noirs aux Antilles françaises (aucune allusion dans les manuels scolaires de Jules Ferry). La plupart des Français ignorent l’existence du Code Noir qui " fonde le non-droit à l’état de droit des esclaves noirs, dont l’inexistence juridique constitue la seule et unique définition légale ". Ce texte introduit à la Cour du Roi Soleil (1685) traverse sans encombre la Révolution, ne sera aboli qu’en 1848 (début de la 2ème République).

Certains se demandaient s’ils étaient des hommes ou des bêtes. Le parallèle avec le droit de vote des étrangers est sans doute excessif car personne n’ose exclure l’étranger de l’Humanité ; cependant, certains considèrent qu’il n’est pas apte à appartenir à la société politique, mais qu’en revanche il serait perfectible et éducable (en prenant la nationalité française, en s’intégrant). Si Condorcet proposait un moratoire de 70 ans minimum pour que les Noirs soient entièrement libres (quelle timidité pour un chef de la lutte antiesclavagiste !) Chevènement propose d’accorder le vote après le renouvellement de la carte de séjour de 10 ans (quand on sait que cette carte s’obtient souvent après un long temps de clandestinité suivi de cartes de séjour de 1 an, ce n’est pas un moratoire de 70 ans, mais de 20 ans qui sera nécessaire !! 

La question du vote des étrangers interroge les principes de la République sur leur égalité, sur la souveraineté nationale, en affirmant que " certains ne seraient pas aptes à être citoyens ", " à avoir des droits politiques ". L’on pourra nous rétorquer que la 5ème République a défini " les électeurs " dans sa Constitution et que faire voter les étrangers serait inconstitutionnel. L’on peut alors répondre que la Constitution garantit des droits ; elle n’est qu’un moyen au service d’objectifs, dont celui de souveraineté ; la révision constitutionnelle est partie intégrante de la pratique démocratique.

La République est un constant tiraillement entre deux conceptions politiques, deux conceptions de la souveraineté. Ce tour d’horizon rapide sur l’Histoire des Républiques a tenté de révéler, par quelques éclairages, les avancées libérales de la République qui ne garantit pas toujours une " communauté de projet ", dans laquelle les citoyens y seraient égaux. Y aurait-il aujourd’hui et demain, des risques nouveaux sur la souveraineté du peuple dans une République, dont chacun , de Gauche ou de Droite, se revendique ?

Au delà des mécanismes qui permettent, soit de rendre le peuple souverain, soit de limiter sa souveraineté, ce qui est le plus préoccupant est l’objet de la souveraineté. Sur quoi le peuple peut-il exercer sa souveraineté aujourd’hui ?

 

2 - Quel est le champ de la souveraineté du peuple aujourd’hui ?

Au niveau local, comme au niveau supra-national, il semble que l’on assiste à une " dépossession " de la souveraineté du peuple.

Au niveau local, les lois relatives au nécessaire regroupement juridique des structures territoriales, pour sortir du découpage administratif qui date de 1804 (!), ne permettent plus au citoyen d’être souverain. Non seulement, il n’est pas appelé à élire ses représentants dans les syndicats intercommunaux, communautés de communes… puisque la loi de la République a réintroduit le suffrage indirect, alors même que sont en jeu des sujets relatifs au développement du territoire, à l’intérêt collectif donc au bien commun. Tout en notant que l’élection n’est pas le seul moyen d’expression de la souveraineté, cet état de fait interroge.

Ce système de découpage administratif dit du " mille-feuilles " démultiplie les lieux de pouvoir local ; il est un enjeu politique de domination et renforce la concurrence entre territoires, plutôt que d’œuvrer à l’existence d’une " communauté de projet ". L’on assiste, ainsi, à un tel éclatement des territoires, de leurs compétences, des structures juridiques, et donc à la multiplication de ceux qui sont censés représenter les citoyens et défendre l’intérêt collectif, que le citoyen ne sait plus sur quoi il exerce sa souveraineté. Est-il interpellé en tant que citoyen communal, intercommunal, communautaire, d’agglomération, de pays, du canton, du département, de la région… ? Il finit, d’ailleurs, par se désintéresser de la " chose publique ". Dès lors, la tendance obsessionnelle de faire participer le citoyen, de réintroduire la société civile, ne révèle-t-elle pas des signes de " souveraineté asphyxiée ? "

Au niveau national, la souveraineté du peuple peut-elle être réelle, face au nouvel absolutisme qu’est le " roi marché "

L’on peut affirmer que la mondialisation ultra-libérale, celle qui s’exerce sans contrôle par les Etats, a dépouillé les peuples de leur souveraineté, puisque, pour elle, les Etats par des décisions de leurs Assemblées représentatives (Assemblée nationale et Sénat) ont dépossédé le peuple de sa souveraineté, le privant de sa possibilité d’agir sur la conjoncture économique et financière. A partir de 1984, la France a libéralisé le marché financier de Paris en l’ouvrant totalement aux opérateurs et capitaux internationaux, en ouvrant les marchés à la concurrence totale, sans protectionnisme. Ainsi, les Gouvernements successifs n’ont plus aucun moyen pour développer une politique industrielle, économique, environnementale, sociale…non assujettie au marché mondial, puisque par leurs abdications monétaires, économiques et financières, ils ont donné la souveraineté au marché financier. La souveraineté du peuple n’existe plus.

L’Europe, péril ou relais pour la souveraineté ?

L’on a quelques doutes à penser que le peuple aurait des moyens pour exercer sa souveraineté dans l’espace européen.

En aurait-il par la protection du droit ?

En matière européenne, la première entorse à la souveraineté concerne le droit communautaire – ordre juridique qui s’impose aux Etats membres par la Cour de Justice de la Communauté européenne. Le traité de Rome a placé le principe de concurrence au cœur de la construction communautaire. La Cour de Justice de la Communauté européenne est un pouvoir judiciaire, hors de tout contrôle démocratique des Gouvernements nationaux comme du Parlement européen.

Le droit communautaire de la concurrence n’est pas un droit légiféré, c’est-à-dire débattu par les Parlements. Le législateur européen – Commission et Conseil des Ministres – ne peut produire du droit, y compris la règle constitutionnelle. Ce qui est d’autant plus grave puisqu’en matière européenne, nous ne sommes pas en présence d’un simple droit à la concurrence mais face à un droit qui organise l’ensemble des droits entre les gens sur la base des rapports marchands. Dès lors que ces domaines sont de la seule compétence des Etats et que le droit communautaire est supérieur au droit national, il asservit les gens au marché. Les décisions ont toutes des conséquences sur les droits des nations.

L’aurait-il grâce au pouvoir législatif ?

Le Parlement européen, composé de 626 députés, est, certes, élu au suffrage universel. Est-ce une garantie de souveraineté du peuple ? Avant de répondre, il convient d’examiner la répartition des pouvoirs au sein de l’Europe. En réalité, le Parlement donne son avis sur les propositions de la commission ou co-décide suivant les sujets. Le réel pouvoir est ailleurs.

La commission européenne (composée de 20 commissaires désignés, dont 2 pour la France : MM. Barnier et Lamy (champion de la défense du libre échange) a le monopole de la proposition des actes législatifs, à l’exception de l’union économique et monétaire. Cela lui donne de considérables pouvoirs ; les Ministres ne délibèrent que sur ses textes. La Commission dispose de pouvoirs propres dans le domaine de la concurrence, ce qui lui permet d’intervenir, sans en référer aux Etats, dans une multitude de secteurs. Les débats sont confidentiels.

Certes, le Parlement européen peut renverser la Commission par une motion de censure !!!

Le Conseil de l’Union européenne ou Conseil des Ministres est l’organe législatif de l’UE. Il est la juxtaposition des exécutifs des Etats membres. C’est lui qui adopte les textes législatifs communautaires dans tous les domaines (sauf la concurrence puisqu’il s’agit d’un pouvoir propre de la Commission) sur la base de la proposition de la Commission. L’Europe est une construction sans légitimité démocratique. Les conditions n’existent pas pour fonder un nouveau pouvoir et l’exercice commun de la souveraineté introduit une confusion affectant aussi bien les nations que l’Union.

Forts de ces contradictions, certains nous disent aujourd’hui que pour sortir de ce jeu pervers il est nécessaire de nous enfermer dans le choix suivant :

  • une Europe fédérale où les nations seraient reléguées à un rôle secondaire,
  • une Europe des Etats à fonctionnement diplomatique, juridique et technocratique.

L’Europe actuelle est à bien des égards déjà fédérale, un fédéralisme juridique et économique sans assise démocratique, axé sur la construction d’un grand marché libéral et non un fédéralisme politique fondé sur le suffrage universel. Les règles du jeu, les futures lois françaises, sont décidées par les directives européennes, adoptées par les Ministres des Etats membres – sans consultation. De même, les juges de Luxembourg, par leurs arrêts, façonnent l’Europe. Côté exécutif, les Etats ont perdu de leurs prérogatives. La politique budgétaire est du ressort des Etats, mais les finances publiques sont strictement encadrées par le pacte de croissance et de stabilité. Le plus grave est que ce " dépouillement " de la souveraineté des nations se fait en silence. Le récent Conseil européen de Barcelone, qui a notamment décidé de repousser de 5 ans l’âge de la retraite, est l’exemple le plus récent ; l’autre grande décision du sommet est la libéralisation complète en 2004 d’EDF-GDF.

Qui proposera une Europe qui intéresse les peuples ? C’est pourtant la seule manière de respecter les grands principes républicains, adaptés à un  " bien commun européen " sur lequel le peuple pourrait exercer sa souveraineté . Encore faut-il produire une " communauté de projet européen " dans lequel les Parlements devraient décider de délibérer sur les perspectives d’avenir et sur les visions politiques d’ensemble. Cela suppose l’identification d’un vouloir vivre ensemble, défini démocratiquement.

 Dans les faits, au niveau local, national ou supranational, l’érosion de la souveraineté exercée par le peuple est à l’œuvre, dans un monde où l’indicateur clef est le moral des consommateurs. Il y a péril pour la République et la souveraineté des peuples.

 

Conclusion

La République exige que les valeurs de souveraineté, de liberté  et d’égalité soient réinterrogées,à la lueur des inégalités, de l’insécurité sociale, de l’éloignement du citoyen des lieux de décision, conséquences de la société libérale dans laquelle nous vivons, fondée sur le seul profit.  

A devenir trop fades et lointaines, comme une réminiscence agréable, comme un héritage riche mais désuet, dépassé, les valeurs de la République risquent d’une part de laisser la place encore plus grande à une forme d’absolutisme, celle du marché, d’autre part à se laisser envahir par des conceptions nationalistes que seraient tentés de suivre les laissés-pour compte de notre société.

La 5ème République " relookée " en 6ème ne serait que de pure forme si elle ne permettait pas que soit repensé un monde transformé qui redéfinisse ce qu’est le " bien commun ", cette " res publica " sur laquelle le peuple serait souverain.

La Nation s’est construite à la fois par une assimilation réciproque où l’on donne mais aussi où l’on perd pour acquérir de l’autre ; la genèse de la nation française résulte de l’interférence permanente de facteurs endogènes, choix politiques, rapports de force sociaux, et d’influences exogènes, par les idées et par les phénomènes d’immigration. La dimension européenne doit être conçue comme une richesse dimensionnelle et politique nouvelle, qui doit se réaliser au profit et non au détriment des peuples. C’est pourquoi il y a nécessité à ce qu’une certaine souveraineté soit défendue au niveau de l’espace public européen, afin que l’UE soit autre chose qu’une juxtaposition de nations mais une union des Etats, expression de la souveraineté des peuples, faisant de la cohésion sociale et économique, du plein emploi ou de l’environnement des buts prenant le pas sur le libre échange et la libre concurrence.

 

Odile Mangeot

 

 

Bibliographie

  • L’idée républicaine en France " Claude Nicolet – ed. Gallimard
  • Genèse de la nation française " Jacques Verrière – ed. Champ Flammarion
  • Nations et nationalisme " Eric Hobsbawm – éd. folio histoire 
  • Condorcet – un intellectuel en politique " Elisabeth et Robert Badinter
  • J’y suis, j’y vote " Saïd Bouamama – éd. l’Esprit frappeur
  • L’euro sans l’Europe " Manière de voir n° 61
  • Votes " Actes de la recherche en sciences sociales n° 140 – déc. 2001
  • dans " le Monde diplomatique " avril 2002 – " Comment la mécanique européenne confisque la souveraineté populaire " Bernard Cassen 

 

 

 

A lire également :

  • " le crépuscule des Etats-Nations " Alain Bihr – cahiers libres – ed. Page deux
  • " la question de l’Etat européen " Jean-Marc Ferry – éd. Gallimard
  • " les identités ambiguës –Race, nation, classe " Etienne Balibar – ed. la Découverte – poche
  • " la trahison démocratique " Guy Hermet – éd. Flammarion-Fayard

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