Nucléaire et démocratie Contribution d’Annie Griffon, lors de la réunion-débat du 24.04.2002
Le recours au nucléaire s’est imposé comme fin apocalyptique de la 2ème guerre mondiale, avant de se transmuer en équilibre de la terreur pendant la guerre froide. La confrontation planétaire entre les deux superpuissances a favorisé la prolifération du nucléaire, surtout par les Etats-Unis qui y ont vu un moyen commode de containment du communisme. Quant aux puissances secondaires alliées des Etats-Unis, utilisées par eux, elles ont affirmé à bon compte un nationalisme de bon aloi tout en occultant les risques. Le peuple a été tenu à l’écart des choix stratégiques. La volonté d’indépendance énergétique reposant sur la base d’une vision productiviste du progrès de sociétés a suscité le développement de l’énergie nucléaire à des fins civiles et la possession de bombes est extrêmement facile… Les traités de non prolifération des armes atomiques n’ont été qu’un leurre, destiné à abuser les peuples. L’accident de Tchernobyl a fait apparaître les dangers que représente l’utilisation de l’atome à des fins dites pacifiques. En France, le " mensonge d’Etat " n’a fait que révéler l’incompatibilité entre production nucléaire et démocratie. Les structures bureaucratiques mises en place, les interconnexions entre les nucléocrates issus des grandes écoles et les experts, le conformisme des élus mal inspirés et surtout dépendants de l’hégémonie américaine, agissent de concert pour éviter le débat public. Qu’importent les risques pour la santé publique pour les populations d’aujourd’hui, qu’importe l’atteinte potentielle à la vie des générations futures, animés de leur foi irraisonnée dans les possibilités de la science de demain, les pollueurs-régulateurs sont bien décidés à acheter les consciences comme à Bure, dans la Meuse, pour éviter toute contestation de leur politique. Cette attitude scientiste, se conjuguant avec le refus de la démocratie, porte en son sein les possibilités d’émergence d’un nouveau totalitarisme. La mobilisation des populations est d’autant plus nécessaire. Gérard Deneux
1/ Nucléaire civil et nucléaire militaire Le 6 août 1945, explose la première bombe atomique à Hiroshima, arme de dévastation massive d’une puissance mille fois supérieure aux bombes précédentes, provocant la capitulation du Japon. Le 9 août, le largage d’une deuxième bombe sur Nagasaki n’a pour justification que l’expérimentation réelle : un essai nucléaire sur population vivante ! Cette expérimentation a été effectuée par la plus grande démocratie du monde, provoquant la mort de dizaines de milliers de personnes, et encore de milliers de personnes aujourd’hui, car il faut toujours garder à l’esprit que les conséquences de la radioactivité sur la santé des populations concernent plusieurs générations, qu’il existe des phénomènes de mutation génétique sur tous les milieux vivants contaminés. Les technologies de l’atome sont duales : elles concernent inextricablement l’utilisation civile de l’énergie atomique et la fabrication d’armes nucléaires. Sur notre planète aujourd’hui, selon un recensement de l’ONU, parmi les presque 200 Etats, 44 doivent être considérés, à des degrés divers, comme possesseurs de la bombe atomique. Ils ont en leur
possession les connaissances technologiques, les équipements, le matériel et les combustibles, et la plupart sont dotés de moyens balistiques. Les pays reconnus comme détenant la bombe, considérés comme des puissances nucléaires, sont au nombre de cinq ; ce sont d’ailleurs les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la Grande Bretagne et la France. Deux pays ont le savoir-faire, ne sont pas des puissances nucléaires, mais ont pratiqué des essais réels : l’Inde et le Pakistan. L’Etat d’Israël est aussi détenteur de la bombe atomique, sans être une grande puissance nucléaire. Trente-six Etats sont soupçonnés de pouvoir déployer des armes nucléaires opérationnelles, sans avoir pratiqué d’essai au vu et au su de tous : parmi eux, l’Algérie, la Syrie, la Libye, l’Iran, le Brésil, l’Argentine, l’Afrique du Sud, l’Allemagne, le Japon. Pourtant, en 1968, fut signé le traité de non-prolifération nucléaire. Ce traité a, en fait, légitimé les coopérations nucléaires et préservé le monopole des deux superpuissances : l’URSS et surtout les Etats-Unis. Si le traité de non-prolifération interdisait la possession d’armes nucléaires, il n’empêchait pas de parcourir tout le chemin qui y menait. En 1950, les superpuissances s’aperçoivent qu’on ne peut verrouiller un espace infini, la dissuasion n’est tout simplement pas crédible à cause des territoires nationaux à franchir. Une discrète stratégie de prolifération va permettre à certains alliés de posséder des moyens nucléaires de base. La coopération nucléaire, sous prétexte d’équipement civil, et avec des systèmes triangulaires pour détourner les législations nationales, va œuvrer à la prolifération de la bombe atomique. Prenons l’exemple de l’Afrique du Sud. Entre 1970 et 1980, elle produit six armes nucléaires, interrompt son programme en 1990, et adhère en 1991 au traité de non-prolifération en détruisant ses armes et des documents. Elle a cependant gardé ses ingénieurs, son réacteur de recherche à Valindaba, et son centre de retraitement des combustibles, pour être plus clair : son centre de fabrication de plutonium. Les Etats-Unis ont étroitement collaboré avec la France ; la révélation de cette collaboration brise deux mythes : celui de l’indépendance de la nation française, et celui de la non-divulgation des technologies nucléaires militaires américaines. Le programme nucléaire américain a été initié et mené à terme par des physiciens juifs : l’Allemand Léo Szilard, l’Italien Enrico Fermi, le Danois Niels Bohr, l’Américain Robert Oppenheimer. En 1949, alors que sont menées des études pour la mise au point de la bombe H, les Etats-Unis entretiennent des rapports privilégiés avec le jeune Etat d’Israël auquel ils vendent un réacteur de recherche. En 1950, les Etats-Unis possèdent 300 bombes de 40 kilotonnes, mais aucun moyen balistique. D’où la nécessité de proposer à l’Europe une aide militaire (poste d’assistance et de défense mutuelle en février 1950) pour se prémunir d’une offensive soviétique. L’Allemagne de l’Ouest étant privée de son armée, c’est la France, sa proche voisine, qui sera chargée de sa défense. La France, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU était destinée à devenir une grande puissance nucléaire, l’accès d’Israël à la bombe atomique avait en revanche un caractère officieux. Les physiciens français à Saclay en étaient encore à leurs balbutiements, depuis la création du Commissariat de l’Energie Atomique en octobre 1945 par le général de Gaulle. La loi Mac Mahon, votée au Congrès américain en 1946, stipulait que " la communication à un autre pays de toute indication concernant la mise en œuvre de l’énergie atomique serait punie de la peine de mort". Les Israéliens apporteront leurs connaissances aux Français, tandis que les Français offriront leurs structures pour la création d’une bombe franco-israélienne. Le budget français de défense, sous pression américaine, augmente en 1952, au détriment du développement économique : 44 milliards de francs sont destinés au département de l’énergie nucléaire, pour la construction de deux réacteurs plutonigènes et d’une usine d’extraction du plutonium. Les seuls étrangers admis dans les équipes de recherche sont des physiciens israéliens, qui circulent librement à Marcoule et à Saclay, et peuvent ainsi transmettre leurs connaissances. En 1953, le Congrès approuve le versement d’une aide d’un montant d’un milliard de dollars pour les dépenses militaires de la France. Un accord de coopération nucléaire est signé entre Israël et la France cette même année. La France est le principal fournisseur d’armes pour Israël en 1954. En décembre 54, de retour des Etats-Unis, Mendès France déclare : " sans la bombe, pas de voix au chapitre ", et il annonce l’examen d’un programme secret de la bombe. Le budget du programme nucléaire passe de 44 milliards à 100 milliards de francs. Le réacteur de Marcoule est mis en service en 1956, produisant 10 kilos de plutonium par an. En octobre 1956, la France vend une installation à Israël. La légende dit que la France a fourni la bombe atomique à Israël, alors qu’il y eut quatre années de coopération. Un chantier de construction démarre dans le désert du Neguev, sous prétexte de la construction d’une usine textile. La coopération en recherche se poursuit, une antenne du CEA (Commissariat à l’énergie atomique)) israélien s’installe même à Paris en 1957. La France installe un site d’essais nucléaires à Reggane, dans le Sahara algérien. Les équipes françaises, accompagnées de physiciens israéliens effectuent leur premier essai nucléaire le 13 février 1960, à l’aide d’ordinateurs israéliens Weizmann, de conception américaine. Le général de Gaulle s’exclame dans un télégramme envoyé aux atomistes français : " Hourra pour la France, depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière. " Il déclare un peu plus tard : " la France doit avoir des alliés et des amis, mais elle n’a pas besoin de protecteurs ". En Afrique du Sud se met en place en 1957 une coopération nucléaire franco-israélo-allemande, les Etats-Unis étant dans l’impossibilité de vendre des armes au régime de l’apartheid à cause de son opinion publique. Le Cap est un endroit stratégique dans le climat de la guerre froide, l’ANC étant soutenue par les Soviétiques. Il s’agit de construire une usine d’enrichissement de l’uranium en vue de la fabrication de la bombe H. Et c’est ainsi que des Allemands, des Israéliens et des Français ont armé d’anciens nazis. Les Etats-Unis ont équipé l’Inde contre la Chine, le Pakistan contre l’Afghanistan, puis la Chine face à l’URSS, Taïwan pour temporiser la Chine, le Japon pour se protéger de la Chine, la Corée du Sud face à la Corée du Nord etc. Or il y a un risque non négligeable d’utilisation des armes nucléaires pour régler des différents régionaux et non pas pour servir les intérêts américains.. La logique était que tout pays tenté de lancer une bombe fut assuré de représailles nucléaires : c’est le fondement de la dissuasion. Cet équilibre de la terreur nécessite que tout pays susceptible de se battre soit muni de la bombe. La prolifération nucléaire est donc le corollaire de la dissuasion. La nation française a estimé que son destin l’appelait à se doter de la bombe atomique, au mépris de la vie des mineurs d’uranium, des travailleurs du nucléaire, des soldats de première ligne, du peuple d’Algérie du sud, des Polynésiens, de leurs descendants. Pierre Guillaumat qui dirigea le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) de 1951 à 1956, en le faisant passer du stade de laboratoire de recherche à celui d’entreprise industrielle, déclare à des journalistes allemands en 1986 : " Il n’y a eu aucune discussion parlementaire, à quoi servent les discussions parlementaires ? (...) Nous n’avions pas besoin du Parlement. L’objet du CEA était toute l’utilisation de l’énergie atomique. A partir du moment où réglementairement apparaissait dans le budget un chapitre qui me donnait les moyens pour des études militaires, je faisais des études militaires. Ce n’est pas hypocrite ce que je dis là. Dès que vous faites quelque chose de nouveau, tout le monde est contre. Et si vous laissez faire la démocratie, quel est celui qui va plaider la cause pour cinq ans ? "
2/ Tchernobyl, mensonge d’état La radioactivité (sauf à très haute dose) est indétectable par nos sens, ce qui ne signifie pas qu’elle soit sans danger pour notre organisme. Qu’elle soit accidentelle, légale ou illégale, la contamination de la terre nous amène à nous poser la question essentielle : quel risque y a-t-il pour la population exposée ? Cette évaluation est fondamentale. Dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, l’un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl explose. Des débris hautement radioactifs sont projetés à 200m d’altitude, des rejets importants se poursuivront pendant dix jours. Tout l’hémisphère nord est touché, les Etats-Unis seront atteints simultanément par leurs côtes Atlantique et Pacifique, le 5 mai. En France, la contamination arrive le 29 avril, de gravité très variable suivant les aléas météorologiques locaux. Un communiqué du 6 mai 1986 du Ministère de l’Agriculture affirme : " Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides consécutives à l’accident de Tchernobyl ". Or, des prélèvements d’eau, de terre et de lait sur les hauteurs de Montélimar sont analysés par le professeur Béraud, physicien à l’Université de Lyon. Ses conclusions sont sidérantes : tous les radioéléments du cœur de réacteur de Tchernobyl se retrouvent dans l’eau. Mêmes résultats pour les prélèvements de pelouse à Lyon. Conférences de presse, réunions publiques se suivent et mènent à la création de la CRIIRAD, laboratoire indépendant, qui pourra acquérir un spectromètre grâce à une émission " droit de réponse " de Michel Polac. De 1987 à 1992, de petits forages dans le sol, appelés carottages sont effectués par la CRIIRAD, à la demande des Conseils régionaux d’Alsace et du Nord Pas de Calais, afin d’évaluer et de cartographier les quantités de Césium 137 déposées par le nuage de Tchernobyl. Le Césium 137 est un radionucléide persistant, à partir duquel on peut facilement calculer les dépôts initiaux et évaluer les reconcentrations. Le mensonge des représentants de notre démocratie pourra ainsi être découvert. Roger Belbeoch, ancien chercheur au CNRS, écrit : " L’ignorance massive est nécessaire pour une gestion " douce " des crises nucléaires. Comme les responsables ne peuvent pas être sûrs de maintenir cette ignorance pendant longtemps, ils doivent et devront de plus en plus mettre en place des structures d’encadrement incompatibles avec les concepts fondamentaux de la démocratie ". Il aura fallu dix ans pour réaliser que les frontières n’arrêtent pas les nuages radioactifs. Aujourd’hui, seize années après l’accident, des malades de la thyroïde portent plainte contre l’Etat français, pour ne pas avoir été invités à prendre des mesures de précaution, notamment en matière de consommation de produits frais, dans les jours et les semaines qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl. Les pathologies thyroïdiennes ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les fameuses pastilles d’iode, permettant si on les prend au bon moment de saturer la glande thyroïdienne afin qu’elle n’absorbe pas d’iode radioactif, sont un moyen pour les autorités de s’attacher l’obéissance des populations. Combien de victimes a provoqué l’accident de Tchernobyl ? A la suite de la catastrophe de Tchernobyl, au Belarus, pays mitoyen de l'Ukraine, les professeurs Youri Bandasjevski (actuellement en prison), Vassili Nesterenko, Michel Fernex et Pierre Flor-Henry ont mis en évidence une multitude de maladies liées à l'iode 131, au césium 137 et au césium 134.Le cancer de la thyroïde, dû à l'iode 131, n'est qu'une partie infime des problèmes de santé rencontrés par les habitants des territoires contaminés (plus de 2 millions de personnes.) Pourtant l'OMS et autres organismes officiels ne veulent voir que cette maladie, car, malgré les grandes souffrances et les séquelles qu'elle engendre, elle est réputée " guérissable ". Le césium agit différemment selon les organes - y compris sur la thyroïde - et comme la population continue à se nourrir de produits contaminés, l'intoxication à faibles doses est constante et permanente. La pathologie du césium touche tous les organes. Dans les zones contaminées, 100% des enfants ont des problèmes de thyroïde ( cancers, hyper ou hypothyroïdies, Hashimoto, etc.), 80% des enfants ont une maladie cardiaque, beaucoup d'enfants souffrent des yeux (cataracte des enfants.) 140 000 enfants ont été " mesurés " sur un fauteuil anthropo-gammamétrique spécialement conçu et adapté. Leur taux de radioactivité peut atteindre 2 000 à 7 000 becquerels/kg de poids du corps. L'ONU (par le truchement de l'AIEA (1) dont l'objectif officiel est la promotion du nucléaire) parle cyniquement du stress de l'évacuation comme une des causes les plus importantes de toutes les maladies, jetant aux oubliettes la contamination permanente par la radioactivité des aliments, du bois, de l'environnement. Or il est reconnu que les enfants ne ressentent pas ce stress de la même manière que les adultes, dont les plus âgés perdent tous leurs repères en dehors de leur cadre de vie habituel. Mais au Bélarus, les enfants sont particulièrement malades. Au moins autant que les personnes âgées, sinon plus. Le stress n'y est pour rien du tout. Depuis 7 ans, la démographie du Bélarus est devenue négative. Il y a 7 naissances pour 14 décès. L'espérance de vie est passée de 68 ans pour les hommes avant 1986 à moins de 60 ans aujourd'hui. Depuis 5 ans, 300 villages n'ont enregistré aucune naissance. L'effet Tchernobyl s'ajoute aux résultats calamiteux des essais nucléaires atmosphériques et autres gâteries radioactives. Il a été démontré que le césium a un effet contraceptif chez la jeune femme, à cause d'une inversion du cycle hormonal qui empêche la nidation de l'ovule. De même, la production hormonale du placenta, qui accumule du césium pour protéger le foetus, peut subir des anomalies. Plusieurs auteurs ont mis en évidence, tant dans les zones contaminées que chez les liquidateurs russes, qu'aux Etats-Unis (après les essais nucléaires atmosphériques) et qu'au Japon (après Hiroshima et Nagasaki), le cerveau gauche est particulièrement sensible aux radiations. Cela entraîne, selon les cas, une réduction de l'intelligence verbale et globale, mais pas de l'intelligence non verbale (cerveau droit), des troubles psychologiques, des crises épileptiques intermittentes, des excès de schizophrénie (survivants de Nagasaki : 6%, reste du Japon : 0,2-0,8%), des anomalies à l'électroencéphalogramme, des syndromes de fatigue chronique. La membrane cellulaire des cellules de l'hémisphère gauche du cerveau est détruite de manière 4 000 fois plus importante à faible dose qu'à haute dose. Ce phénomène est dû à l'effet Petkau. Tout cela remet donc en cause la philosophie des scientifiques qui prônent le "recyclage" des déchets faiblement radioactifs dans les casseroles ou les carrosseries de voiture, ou qui prétendent que les rejets liquides ou gazeux dits " contrôlés " des installations nucléaires sont sans danger pour la faune, la flore et l'être humain. Une parade à la contamination permanente a été trouvée à partir de la pectine de pomme, qui a la propriété d'absorber et d'éliminer les métaux lourds. Actuellement 45 000 enfants sur 500 000 ont été traités par l'Institut Belrad. La plupart des 370 centres de détection et de soins du professeur Nesterenko ont été supprimés ; il n'en reste que 85, dont 25 grâce à des ONG allemandes. Sur un plan plus général, il faut savoir qu'en 1958, l'ONU a imposé un accord entre toutes les agences, dont l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé), avec son agence destinée à faire la promotion de l'énergie nucléaire, l'AIEA (1). Cet accord stipule que tous les travaux pouvant gêner la promotion du nucléaire doivent être soumis à l'accord préalable de l'AIEA. Tant que cet accord ne sera pas amendé dans le sens d'une réelle transparence, le monde entier vivra dans le mensonge du nucléaire. La responsabilité d’un accident nucléaire incombe à l’exploitant, qui a exigé un plafonnement à 600 millions de francs. L’Etat prévoit une participation de 2500 millions de francs. A titre de comparaison, pour la catastrophe de Tchernobyl, les dégâts se chiffrent à 250 milliards de dollars. Les 800 000 liquidateurs du réacteur de Tchernobyl sont soit morts, soit gravement malades. Qui assumerait cette tâche " héroïque " pour la nation si un accident se produisait en France ?
3/ Les faibles doses ou la mort normative La radioactivité est partout, les promoteurs du nucléaire n’hésitent pas à nous le rappeler : les roches en émettent, l’eau de source en contient, nos maisons en dégagent, le ciel en est rempli. Georges Charpak n’a pas hésité à apporter un caillou qui faisait " cracher " un radiomètre sur un plateau de télévision. Si la radioactivité naturelle existe, cela ne signifie pas qu’elle soit inoffensive pour notre santé, et si l’on y ajoute les effets de radionucléides artificiels, il faut faire la somme des doses pour connaître l’impact sur le corps humain. Au début du siècle, on s’aperçut que les brûlures de la peau dues aux radiations pouvaient dégénérer en cancer. Les principaux effets nocifs de l’irradiation étaient mis en évidence : mort cellulaire, cancérisation, mutations ( c’est à dire modification brutale et irréversible des caractères héréditaires, anomalies du développement embryonnaire.) Roengten est mort d’un cancer des os, Marie et Irène Curie sont mortes d’anémie pernicieuse. De nombreux radiologues ont subi des amputations des doigts ou des mains. De graves maladies épidémiques se sont déclarées chez des travailleuses de l’industrie horlogère qui employaient de la peinture luminescente, contenant du radium. Mais la véritable prise de conscience des effets nocifs des rayonnements ionisants s’est produite après Hiroshima et Nagasaki. Une grande étude épidémiologique a été entreprise, un obstacle important étant que l’on a surestimé au début les doses d’exposition. Les études scientifiques ont amené à la révision régulière à la baisse des normes d’exposition des travailleurs. La gravité des dégâts provoqués sur le corps provient de l’intensité du rayonnement, mais aussi de leur nature. Les radionucléides, en se désintégrant émettent des rayonnements alpha, bêta ou gamma ou neutroniques qui n’ont pas les mêmes propriétés physiques, c’est pourquoi on a introduit un coefficient, suivant la dangerosité des rayonnements. L’unité actuelle est le sievert, qui mesure l’effet biologique provoqué par le rayonnement. Outre les études épidémiologiques, on peut étudier les effets de rayonnements ionisants en expérimentant sur les animaux et les plantes, et sur des cellules vivantes. Dans la matière vivante, le choc des particules exerce un puissant pouvoir déstabilisateur, auquel s’ajoute l’émission de chaleur et l’enclenchement de réaction en chaîne. Le métabolisme est désorganisé par la formation de protons H+ dans l’eau moléculaire. Il y a altération des précurseurs des protéines, les constituants des gènes (adénine, thymine), perturbation des enzymes etc. Une modification très modeste de la structure d’une certaine protéine peut, à elle seule, provoquer une maladie grave, telle l’anémie falciforme. Sous l’effet de faibles radiations, une accumulation de mutations somatiques spontanées peut provoquer un vieillissement précoce ou la mort. Les effets du traitement par irradiation à faible dose de malades ont également permis de mettre en évidence les effets de la radioactivité : par exemple, des malades traités au radium 124 ont développé des cataractes. La leucémie apparaît en moyenne dix ans après l’exposition aux radiations, elle touche particulièrement des personnes soumises à des radiothérapies successives. Selon les normes internationales, il est recommandé de ne pas dépasser la dose de 1 millisievert par an.. La norme pour les travailleurs du nucléaire est de 20 fois plus élevée. En 1991, Pierre Pellerin a fait pression pour que les normes ne baissent pas, afin que les normes de rejets des installations restent inchangées. Pierre Pellerin est également le défenseur de la théorie de l’hormésis, théorie selon laquelle de petites doses répétées d’irradiation seraient bénéfiques pour la santé. Un nouveau décret sur la radioprotection des personnes a été adopté début avril 2002. " Le conseil des ministres a adopté un décret qui transpose la circulaire européenne de 1996 sur la radioprotection des personnes. Les rayonnements utilisés à des fins médicales feront quant à elle l'objet d'un texte ultérieur. " Cela signifie, qu’à ce jour, les expositions médicales ne sont pas comptabilisées. Quand on sait que les doses reçues par chaque individu s’ajoutent entre elles, il y a de quoi s’inquiéter. La radioprotection dans les milieux médicaux a encore d’énormes progrès à faire." Grâce au nouveau décret présenté par Bernard Kouchner en Conseil des ministres, toute addition de radionucléides artificiels et naturels devient prohibée dans la totalité des biens de consommation. Précédemment, cette interdiction ne s'appliquait qu'aux produits de cosmétique, de puériculture et de parure. Des possibilités de dérogation restent ouvertes, mais elles devront faire l'objet d'un examen, au cas par cas, par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF.) " En clair, cela signifie que jusqu'à aujourd’hui, on pouvait trouver de la radioactivité artificielle dans nos voitures, nos vélos, nos casseroles etc. " En ce qui concerne les limites annuelles d'exposition, elles sont maintenues au niveau où elles avaient été abaissées l'an dernier, la somme maximale des doses efficaces reçues par une personne demeurant à 1 millisievert, contre 5 précédemment " (" le Quotidien " du 3 avril 2001). Cela signifie que de 1996 à 2001, nos normes d’exposition en France étaient cinq fois supérieures aux normes internationales préconisées par la CIPR. " Cette limite s'applique désormais à toute activité professionnelle en prenant en compte, pour la première fois, les expositions aux rayonnements d'origine naturelle, comme le radon présent dans certains matériaux de construction. Le nouveau décret instaure encore un réseau national de collecte des mesures de radioactivité de l'environnement. Les associations agréées seront invitées à y participer. A terme, les résultats des mesures ainsi réunies devraient faire l'objet d'une communication au public en étant mises en ligne sur un site Internet. " On peut s’étonner de la mise en place pour le moins tardive de ce réseau national de collecte. " Le dispositif de surveillance, de contrôle est actualisé, enfin, avec la prise en compte des organismes ad hoc qui viennent de voir le jour : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui reprend les compétences de l’OPRI, Office de protection contre les rayonnements ionisants et de l'IPSN, (Institut de protection et de sûreté nucléaire), en charge de l'expertise et de la recherche et la direction générale de la Sûreté nucléaire et de la Radioprotection (DGSNR), placée sous la tutelle des ministères de la Santé, de l'Environnement et de l 'Industrie ". La CRIIRAD conteste le fait que la protection des populations contre les rayonnements ionisants soit entre autres sous la tutelle du Ministère de l’industrie. " Un autre décret reste encore à venir, qui transposera quant à lui une autre directive EURATOM, celle du 30 juin 1997, une réglementation qui intéresse plus particulièrement les professionnels de santé, puisqu'elle porte sur l'utilisation des rayonnements ionisants pour la médecine, l'art dentaire, la biologie humaine et la recherche biomédicale. Ce décret, précise-t-on Avenue de Ségur, fait actuellement l'objet d'un examen devant le Conseil d'Etat. Il sera adopté par le conseil des ministres et publié au Journal officiel aussitôt qu'il aura été validé. " ( !) A quoi correspondent ces normes officielles de doses acceptables pour une personne pendant une année ? Pourquoi l’unique référence est-elle l’adulte alors que les enfants sont plus vulnérables ? Certains dommages, comme les troubles de la circulation, la cataracte, ou la réduction de la fertilité n’apparaîtraient qu’à partir d’une certaine dose critique. Au-dessous d’un certain seuil, les effets, appelés non aléatoires ne seraient pas observés. Mais pour d’autres effets, qualifiés d’aléatoires, comme l’apparition de cancers, d’anomalies du développement ou de maladies héréditaires, il n’existe pas de seuil en deçà duquel il n’y a aucun risque. En outre, les moyennes ne reflètent absolument pas les phénomènes de concentration, le mode de contamination est également extrêmement important pour évaluer la gravité d’une exposition : externe ou interne, ainsi que les parties du corps atteint. Si pour certaines maladies graves, voire mortelles, il n’existe pas de seuil d’innocuité, cela signifie qu’une norme d’exposition est un nombre de mal formés, de malades et de morts admis, c’est pourquoi j’ai intitulé cette partie la mort normative. Une augmentation de charge radioactive de 1 sievert par an sur toute une vie correspond à 52 cancers par an pour 10 000 habitants. Une norme est le résultat de compromis entre les contraintes économiques et les impératifs sanitaires. Lors de la fission nucléaire (atome d’uranium brisé à coup de neutrons) qui se produit dans une centrale, des dizaines de nouveau radioéléments apparaissent : iode, césium, krypton, strontium, zirconium etc., qui restent théoriquement à l’intérieur des sites, dans la limite des normes de rejets autorisées, des fuites dues à des incidents et des contaminations consécutives aux accidents. Le plutonium, au rayonnement alpha, est un radionucléide extrêmement toxique. Sa désintégration produit des dégâts considérables dans les tissus vivants. C’est un descendant de l’uranium après le passage de celui-ci dans un réacteur. Les essais d’armes atomiques, les 450 réacteurs, les rejets de fabrication et les produits du retraitement ont contaminé l’environnement depuis plus de cinquante ans. Les sous-marins et les engins spatiaux sont dotés de charges de plutonium. Des vaisseaux spatiaux américains chargés de plutonium passent au-dessus de nos têtes, risquant à chaque instant la catastrophe d’une propagation de milliards de becquerels. Pourtant des accidents se sont déjà produits : en 1986, une capsule expérimentale a pris feu en rentrant dans l’atmosphère et s’est consumée à la verticale au-dessus de l’océan indien en rejetant 80% de son plutonium. Un tir américain manqué s’est écrasé à Thulé au Groenland, quatre missiles du Pacifique ont par erreur contaminé une partie du Pacifique etc. Le plutonium, et son descendant l’américium, se concentrent particulièrement dans les fruits de mer, les céréales, les fruits et les légumes frais. Dans le corps humain, il s’attaque à tous les tissus et se concentre particulièrement dans les os, les poumons et le foie. Ce n’est pas hier que le professeur Hermann Müller recevait le prix Nobel pour ses travaux sur les effets génétiques des radiations, mais en 1943. Ses études portaient sur des drosophiles. En 1964, il publie un ouvrage qui démontre clairement les effets des radiations sur le potentiel de reproduction de l’espèce humaine : Radiations and Heredity. Aujourd’hui, dans les documents officiels sur la radioprotection, les dommages génétiques figurent sous la rubrique des " mutations bénignes, mais ne sont pas comptabilisées. Ces mutations sont provoquées par le déplacement de fragments d’ADN, et l’altération de la structure chimique élémentaire de l’ADN ". Tout accroissement, aussi faible soit-il, de la radioactivité dans l’environnement est susceptible d’augmenter l’incidence de cancers ou de maladies héréditaires. L’épidémiologie sur les effets des faibles doses est quasiment inexistante en France, ce qui est plutôt paradoxal étant donné le développement de l’industrie nucléaire française depuis cinquante ans, (19 centrales nucléaires, 56 réacteurs, 16 réacteurs de recherche, 132 installations nucléaires de base, sans compter les mines d’uranium). S’il y a un pays au monde qui aurait dû développer l’épidémiologie médicale, au moins appliquée aux conséquences du nucléaire, c’est bien la France. Or en 1998, seuls huit départements collectent des informations sur les nouveaux cas de cancers. A La Hague, où il y a un centre de stockage et un centre d’extraction du plutonium (car c’est ainsi qu’il faut appeler le centre de retraitement), les autorisations de rejets sont 850 fois supérieures aux rejets autorisés d’une centrale nucléaire. Les autorisations de rejets sont proposées par les exploitants et acceptées par les pouvoirs publics. Combien de victimes humaines de la radioactivité depuis 1945 ? Une estimation de 1990 l’évaluait à 16 millions. Il ne faut pas oublier ceux qui sont peu ou pas du tout suivis médicalement, surnommés " viande à rem ", ce sont les travailleurs intérimaires, au nombre de 29000 en 1997, dont 22000 pour EDF. Afin de ne pas être mis à l’écart, il est fréquent que ces esclaves-nomades du nucléaire dissimulent leur dosimètre là où "ça crache." Les calorifugeurs et les chaudronniers sont les plus exposés. Il n’existe aucune convention collective adaptée aux intermittents du nucléaire, il y a sept conventions collectives différentes. Alors que la règle internationale impose une exposition maximale de 20 msv/an (millisievert), la France autorise une dose de 15 msv pour six mois. Cela permet d’employer deux intérimaires, chacun six mois. Pour le démantèlement des centrales, le recours aux sous-traitants des bâtiments et travaux publics sera nécessaire, les sociétés spécialisées dans la décontamination étant trop peu nombreuses.
4/ le problème irrésolu des déchets radioactifs EDF, compagnie nationalisée depuis 1946, de taille moyenne à l’origine, est devenue, grâce au nucléaire, une grosse entreprise avec des activités connexes rémunératrices, comme la vente de chauffage électrique, aberration écologique, économique et sociale. Le monopole d’EDF(2) et du CEA sur le nucléaire présente de nombreux avantages : permettre le repérage de défauts génériques dans la conception des centrales, posséder une puissance de recherche, avoir une capacité d’expertise, offrir un prix relativement bas du kW/h (bien que ce prix soit bien en deçà du coût réel de production), et proposer une même tarification dans toutes les régions, selon une conception louable du service public. Les revers de cette politique énergétique sont que tous les efforts de la recherche ont été portés sur le nucléaire, au détriment de l’efficacité énergétique et d’autres sources d’énergie, le manque d’investissements ailleurs (éolien, solaires, biomasse, etc.), l’opacité totale et le culte du secret, et le problème non résolu des déchets radioactifs, sous forme de rejets (résolution en morts, malformations et maladies) et sous forme de déchets stockés. Raymond Barre, en 1979, affirmait à des journalistes américains que le problème des déchets radioactifs était résolu sans que cela ne provoque de drame. " Et où les mettez-vous ? " demanda un journaliste. " en divers endroits " répondit le Premier Ministre de la République française. Jusqu’en 1969, les déchets nucléaires ont été immergés. En 1983, un moratoire de 10 ans a été signé, avec un arrêt total en 1993. L’immersion a été poursuivie en Russie en mer de Barents Les idées les plus lumineuses ont été avancées : torpillage dans les fonds sous-marins, évacuation spatiale etc. (zones de subduction des plaques tectoniques). En France, les déchets nucléaires sont classés en quatre catégories : TFA, catégorie A, B, et C, ces derniers étant les plus toxiques et durables. Les déchets miniers sont oubliés, ainsi que les déchets de tritium qui s’entassent autour de Valduc, le professeur Pellerin a tout simplement proposé de déclarer le tritium inoffensif ! Pour les déchets nucléaires militaires règne la plus grande opacité. Quatre sous-marins nucléaires reposent en piscine à Cherbourg. Les déchets de catégories A sont stockés à La Hague, et à Soulaines dans l’Aube En 1990, des sites sont pressentis pour un stockage en profondeur, dans l’Aisne, les Deux-Sèvres, l’Ain, et en Anjou. Ces projets suscitent de telles protestations des populations qu’ils sont abandonnés. Une loi parlementaire s’avère nécessaire. Le premier projet de loi sur les déchets nucléaire est déposé le 15 mai 1991, par le député socialiste Christian Bataille. Cette loi relative à la recherche sur la gestion des déchets radioactifs est adoptée le 30 décembre 1991. En 2006, la Commission nationale d’évaluation rendra son rapport au Parlement, qui statuera définitivement sur le sort des déchets de catégorie B et C. Trois voies sont explorées : étude d’un stockage en profondeur, réversible ou non ; diminution forcée de la radioactivité par séparation et transmutation et séparation ; stockage en surface. De gros bénéfices financiers sont prévus par la loi pour les communes consentant à accueillir un laboratoire de recherche d’enfouissement en profondeur. Actuellement, un seul laboratoire en site argileux est en chantier, à Bure, dans la Meuse à la limite de la Haute-Marne, ce choix en site géologique argileux ayant toute l’apparence d’un choix avant tout sociologique, la densité de la population y étant très faible, la moyenne d’âge élevée, et l’économie locale peu développée. Prime au courage, selon les élus qui ont accepté l’implantation de ce centre d’enfouissement, achat des consciences selon les opposants, l’arrosage financier a été considérable : réfections de monuments, de salles des fêtes, construction de casernes de pompiers, sponsoring sportif etc. 15 millions de francs sont distribués par l’ANDRA(3) dans la région. Dans la Manche, où il y a un centre de stockage, une usine de retraitement et une centrale nucléaire (à Flammanville), 70% du budget des communes provient de COGEMA(4) ou d’EDF. La "mission Granit ", qui consistait à trouver un deuxième site d’implantation d’un laboratoire d’enfouissement en profondeur, a échoué grâce à une mobilisation remarquable de la population. Un grand nombre d’opposants ont rejoint la résistance au laboratoire de Bure. Le projet insensé et criminel de l’enfouissement dans des couches géologiques profondes de déchets hautement radioactifs ne trouve sa justification que dans la nécessité pour les industriels du nucléaire d ‘avoir solutionné le problème des déchets, afin de pouvoir relancer un nouveau programme. Ils n’hésitent pas à faire disparaître des failles géologiques des cartes, et sous prétexte de recherche, leur travail à Bure consiste en une caractérisation de site en vue de l’enfouissement en grande profondeur. L’argile sera censée stopper la radioactivité une fois les containers devenus poreux. Rappelons l’échelle de la durée de vie des déchets que l’on veut enfouir : plusieurs dizaines de milliers d’années. Le centre de stockage de La Hague a déjà des fuites, irréparables tant l’exposition des travailleurs serait grave lors d’éventuels travaux. Pour les recherches sur la transmutation, la centrale Phénix a redémarré, cette méthode très coûteuse, qui consisterait à réduire la durée de vie de déchets hautement radioactifs de millions d’années à quelques milliers d’années, paraît à ce jour très aléatoire et nécessite plusieurs dizaines d ‘années de recherche. Les nucléocrates les plus optimistes s’opposent pour cette raison à l’enfouissement en grande profondeur, pleinement confiants dans la science et la technique de demain, comme l’étaient les promoteurs de l’énergie nucléaire dans les années soixante-dix, quand ils imaginaient que les déchets nucléaires seraient facilement envoyés dans l’espace. Il est urgent d’arrêter cette fuite en avant, il est urgent d’arrêter la production de déchets nucléaires, cadeau empoisonné pour les générations à venir.
5 / La caste dirigeante Parmi les 500 ingénieurs de l’Ecole des Mines, 200 choisissent de faire carrière dans l’industrie, dont une centaine s’oriente vers la prestigieuse filière du nucléaire. Le Conseil Général des Mines dirige, présidé par le ministre de l’industrie, le véritable pouvoir étant exercé par le vice-président ; Jean Syrota a exercé ce pouvoir jusqu’en 1997. PDG de la COGEMA, c’est lui qui a été le maître des carrières des responsables de la Sûreté nucléaire : les ingénieurs de la DRIRE, chargés du contrôle de COGEMA, sont nommés par le PDG de la COGEMA, qui contrôle leur carrière ! Son successeur, Rodolphe Greif, était à la direction des constructions de sous-marins atomiques, un homme du nucléaire civil a été remplacé par un homme du nucléaire militaire. Alors qu’en 1945, le pouvoir politique avait basculé en faveur des énarques, le nucléaire va redonner du pouvoir aux " mineurs " qui vont créer une sorte de caste. Mais comment en aurait-il pu être autrement ? Comment organiser un contrôle qui ne soit pas effectué par ceux qui savent ? L’office parlementaire des choix scientifiques a pour mission d’exercer un contrôle politique sur l’industrie nucléaire. Il est composé de délégués du Parlement et du Sénat. Son président a été Robert Galley, ancien directeur du CEA. (aujourd’hui, Jean-Yves Le Déaut). Au comité scientifique des rayonnements ionisants de l’ONU, les représentants français sont des médecins du CEA : les pollueurs sont les régulateurs ! Les députés sont assaillis de demandes, débordés de travail et manquent de compétences, ils s’en remettent donc aux spécialistes, avec un conformisme ahurissant, à Droite comme à Gauche, puisque mettre en doute la science, c’est s’opposer au progrès, alors que la santé et l’environnement devraient être au centre de leurs préoccupations. L’argument de l’effet de serre (qui n’a pas été reconnu à la conférence de Bonn) permet de ne pas diminuer le trafic routier. Les exemples d’entorse aux règles de sécurité, les mensonges de certains responsables font que par exemple des enfants ont pratiqué le vélocross sur un terrain de déchets radioactifs, que l’on trouve par hasard des résidus hautement radioactifs en zone urbaine (Saclay). A Nogent sur Marne, une école fut construite sur une ancienne usine d’extraction due radium. Le 30 avril 98, la DSIN (Direction de la sûreté des installations nucléaires, qui a fusionné avec l’IPSN- Institut de protection et de sûreté nucléaire, département du CEA)) révèle qu’un tiers des convois ferroviaires sont contaminés, certains étant recouverts de particules dépassant 500 fois la norme admise, la COGEMA et EDF étaient au courant, seuls les agents de la SNCF l’ignoraient. Si les responsables du nucléaire ne sont pas capables d’assurer des transports de routine en toute sécurité, comment leur faire confiance en cas d’accident ? En 1997, la campagne publicitaire d’EDF pour le chauffage électrique et la communication a coûté 2,5 milliards de francs, alors que le budget de l’Ademe s’élevait à 1,5 milliard de francs. EDF a depuis longtemps opté pour le fonctionnement d’entreprise libérale, en incitant à la consommation. On peut lire dans le rapport d’activité de la Région bordelaise en 1970 : " il ne s’agit plus de fournir ; mais de vendre, de suivre la demande, mais de la susciter : la rapidité de la croissance dépendra alors de l’aptitude du fournisseur à relancer le défi de la concurrence ".
En conclusion Si le nucléaire présente quelques avantages, il ne faut pas oublier ni cacher ses énormes inconvénients qui doivent être portés à la connaissance de tous : risque d’accident majeur pouvant rayer de la carte une région entière, risque terroriste d’attentat, rejets en fonctionnement normal exposant gravement la santé de la population et des travailleurs, manque de transparence, contrôles sanitaires non indépendants, et surtout imbrication inextricable des technologies civiles et militaires. Les luttes pour plus de démocratie avancent grâce à des citoyens qui essaient de comprendre, qui interpellent les responsables, les élus, les experts, mais nous avons également besoin de scientifiques, de médecins, de biologistes qui n’hésiteront pas à peut-être briser leur carrière pour dénoncer des choix criminels, briser la loi du silence, mettre au grand jour des mensonges, alors que les institutions de contrôle demeurent intimement liés au CEA. Ne nous laissons pas bercer par une confiance inconsidérée envers ceux qui savent. Il est faux de penser que " si le risque était grand, on nous le dirait " La dissonance cognitive consiste à se mettre la tête dans le sable : plus on a peur en pensant qu’on ne peut rien faire contre l’objet de cette anxiété, moins on se l’avoue. Le GSIEN est un groupe de chercheurs qui décortiquent l’information disponible et publient un journal : la gazette nucléaire. Fin 1997 est né le Réseau Sortir du nucléaire, issu des Européens contre Superphénix. Dans notre département du Territoire de Belfort, il n’y a ni centrale nucléaire, ni centre de stockage. Les missiles au plutonium ont quitté le centre militaire de Bourogne. Nous sommes environ à 40 kilomètres à vol d’oiseau de la centrale de Fessenheim, la plus vieille centrale de France, dont les générateurs vapeur vont être remplacés, ce qui va représenter une dépense d’environ 105 millions d’euros. Deux convois de déchets hautement radioactifs sont passés par Belfort, en décembre 2001 et février 2002. Le nucléaire met en jeu dans le temps et dans l’espace une puissance destructive dont les dimensions nous dépassent, il exige une sécurité à 100% qui n’existe pas et qui nécessite, pour s’en approcher, des structures organisationnelles de la société en contradiction avec la démocratie. En cinquante ans ont été répandus sur notre planète des milliards d’isotopes artificiels, dont la durée de vie peut atteindre des milliers, voire des millions d’années, provoquant des mutations génétiques et des dégénérescences, qui vont agir sur les générations à venir. Comment peut-on accepter de continuer dans cette voie quand on a pris conscience qu’il y va de notre survie ? Le nucléaire engendre le totalitarisme, le corporatisme et le nationalisme. Exiger la démocratie, c’est résister au nucléaire. Hubert REEVES a dit : " Le nucléaire n’a pas d’avenir " " Le nucléaire est un mauvais moment à passer dans l’histoire " Hélas, ce moment sera long, et tragique de conséquences. Annie Griffon
Notes : (1) AIEA – Agence internationale de l’énergie atomique (2) entreprise nationale à vocation commerciale, productrice d’électricité. Le nucléaire (78 % de la production d’électricité) est un moyen parmi d’autres (charbon, gaz, hydraulique, éolien…) (3) ANDRA – Agence des déchets radioactifs, autrefois filiale du CEA. Aujourd’hui, établissement public, responsable des stockages des déchets nucléaires français (4) COGEMA – Compagnie générale des matières nucléaires, filiale commerciale du CEA, vend ses services à EDF et à des compagnies étrangères – extraction d’uranium dans les mines " retraitement de combustible usé ".
Bibliographie
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