" Combat " d’idées et émancipation sociale
par Odile Mangeot
Amis de l’émancipation sociale, pour affiner nos analyses et forger des opinions " libres ", nous puisons aux sources " non polluées par la pensée dominante ", nous mettons en garde contre les " hérauts de la mondialisation libérale, génuflecteurs transis des Etats-Unis, soutiens inconditionnels du Général Sharon, obséquieux complimenteurs des grands patrons, adulateurs de tous les pouvoirs et principalement de celui des grands médias "(1), en proposant des lectures, des échanges dans nos réunions-débats ou dans des conférences publiques ; nous n’invitons pas " les intellectuels médiatiques " ; nous ne sommes pas une vitrine pour les représentants officiels des partis politiques.

Notre " combat " est, en premier lieu, celui des " idées ", pour promouvoir d’autres opinions que celles qui " s’alignent sur les thèses dominantes les plus frileuses et les plus conservatrices " assénées à longueur d’ondes ou d’images, ou encore, relayées dans des ouvrages largement encensés sur ces mêmes ondes ou télévisions par les " amis " de ceux qui les écrivent (2). Nous commençons à " transformer le monde ", quand nous disséminons une pensée qui dérange, voire qui " révolutionne ", dans le sens où elle déconstruit la pensée globale dominante, en dénonçant, par exemple, qu’ " Un Empire n’a pas d’alliés, il n’a que des vassaux " (3) et en expliquant comment cette affirmation se vérifie, aujourd’hui dans la politique de Bush contre l’Irak, ou dans les silences nationaux et internationaux face à la guerre en Tchétchénie, ou encore dans le soutien à Ariel Sharon, en violation totale des résolutions de l’ONU, qui continue (comme Barak a pu le faire) à développer des colonies juives dans les territoires occupés de la Cisjordanie, à humilier le peuple palestinien, à l’empêcher de vivre et à veiller à ne pas parler du mouvement des Israéliens pacifistes.

Sans vouloir réduire la réflexion sur les causes du développement des guerres ou du terrorisme ou celles de l’écart qui ne cesse de grandir entre les riches et les pauvres au niveau national et mondial, à la seule explication qui serait la course de vitesse pour le seul profit de quelques uns, il faut pourtant souligner que " jamais les Maîtres de la Terre n’ont été aussi peu nombreux ni aussi puissants ". Ils sont, non pas des Etats mais des entreprises et des conglomérats, des groupes industriels et financiers privés, essentiellement situés dans la triade Etats-Unis /Union européenne/Japon. La moitié d’entre eux est basée aux Etats-Unis. " Les 225 plus grosses fortunes du monde représentent un total de plus de 1 000 milliards d’euros, soit l’équivalent du revenu annuel de 47 % des personnes les plus pauvres de la population mondiale (2.5 milliards de personnes !). De simples individus sont désormais plus riches que des Etats : le patrimoine des quinze personnes les plus fortunées de la planète dépasse le produit intérieur brut total de l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne… "(4) Il est donc certain que " la mondialisation ne visant pas tant à conquérir des pays qu’à conquérir des marchés …des richesses", elle est la cause profonde des guerres et des conflits d’aujourd’hui. Les médias font le reste, ils réussissent à convaincre qu’il faut combattre les terroristes, (du moins ceux que Bush et ses acolytes désignent comme tels !), qu’il faut faire respecter les résolutions de l’ONU (du moins, celles qui servent les intérêts de Bush et Cie, autrement dit, celles qui concernent l’Irak, mais pas celles qui concernent Ariel Sharon !), que le FMI et la Banque Mondiale sont les instruments qui " sauvent " les pays du Tiers Monde ou en crise, alors même qu’ils mettent à genoux des millions d’Argentins (voir le texte de Régis dans ce numéro) et l’on ne peut que s’inquiéter de l’élection annoncée du fougueux représentant du Parti des Travailleurs, Lula, Président du Brésil, demain, alors même qu’il a déjà conclu des accords, s’engageant à poursuivre le remboursement de la dette du Brésil au FMI !!!

Notre " combat " est donc déjà, de donner à voir où se cache le monstre " Dracula ", celui de la marchandisation totale du monde et des hommes, de dévoiler le " prince des ténèbres " afin qu’il soit détruit par sa mise en pleine lumière.

Mais, est-ce suffisant ? Comment contribuer à transformer ce monde-là, celui que l’on refuse, sans soutenir et initier des luttes, locales et internationales, sans ancrage dans le militantisme de terrain ? Nous sommes sollicités quotidiennement par des combats justes à mener, contre la guerre en Irak, pour une paix juste et durable au Proche-Orient  pour le peuple palestinien et le peuple israélien, pour les libertés publiques en France et l’expression des syndicalistes, des défenseurs des Droits de l’Homme, contre la privatisation des services publics, contre la marchandisation du Bien Public : l’eau, pour le combat des sans papiers, etc. L’on ne cesserait de se précipiter sur tous ces combats justes, mais prenons garde à l’activisme sans réflexion ; n’ayons de cesse de chercher et de révéler ce qui se cache derrière les évènements que l’on condamne, afin de réussir, au delà de l’indignation, à construire un mouvement social fort qui réussisse à bâtir un projet de société et non une " jet set " de la contestation qui va de manif en manif, ce qui n’est pas fait pour assurer le travail de politisation et de mobilisation. Prenons garde à la " récupération " du mouvement antimondialisation libérale par des institutions politiques, ou autres, qui se referaient une santé grâce à ces mouvements, sans véritable volonté de débattre d’un nouveau modèle de société. Soyons vigilants sur les collectifs " unitaires " qui n’auraient qu’une portée médiatico symbolique de rassemblement. " Le manque d’un espace d’expression des conflits sociaux réside d’abord dans l’absence d’un lieu où puissent se retrouver les uns et les autres, sans vouloir représenter qui que ce soit, ni les forces alternatives, ni la " voix du peuple " et donc sans se voir instrumentalisés par les luttes des uns et des autres  opportunistes dans leur tentative de récupération des conflits " (5)

Le rôle des organisations politiques, syndicales, n’est pour autant pas nié, à condition que l’institution vive au service d’un projet de société, et non pour promouvoir le succès de l’institution pour elle-même et ses " têtes ", pour " entretenir la machine ". Les partis politiques de Gauche, dans leurs débats actuels, pour exister et " rebondir " après le désaveu des dernières élections présidentielles, sont un exemple très éloquent de la confusion entre "  être un représentant du peuple " et " être représentation pour soi-même ". Les organisations antimondialisation libérale pourraient être entraînées dans la même spirale si elles n’ont pas l’exigence de faire vivre le contrôle démocratique en leur sein, l’existence du contre pouvoir c’est-à-dire favoriser l’expression des désaccords et des divergences. Il est certain que de nombreux militants de base des partis politiques, des syndicats, des organisations représentatives ont volonté de changer ce monde injuste, inégalitaire, la force des appareils ne doit pas éteindre leur expression, privilégiant la réussite de l’institution au moment des élections qu’elles soient législatives ou prud’homales, mais en acceptant la contradiction en leur sein pour favoriser l’évolution des institutions au seul service d’un projet de société défini au préalable, par le débat, la prise en compte des réalités des écarts incommensurables qui se creusent entre riches et pauvres.

Seule la confrontation des idées permet la démocratie, qui n’existera réellement sans la mobilisation et la lutte des peuples contre les injustices. Lire l’article dans ce numéro " la guerra del agua " de Cochabamba

 
Odile Mangeot

 (1)" Intellectuels médiatiques – les nouveaux réactionnaires " Le Monde Diplomatique-oct. 2002- Maurice T. Maschino
 (2) " Le QVM des livres : connivences et complaisances " PLPL n° 11- oct. 2002
 (3) " Vassalité " Le Monde Diplomatique- oct. 2002 – Ignacio Ramonet
 (4) " Guerres du XXIème siècle " Ignacio Ramonet – éd. Galilée
 (5) " Revenir aux luttes " Franck Poupeau – Agone n° 26/27 – 2002 -