Forum Social Européen à Florence du 6 au 10 novembre 2002

par Paule Graouer

 

 

" Il faut poursuivre le combat avec des éclats de rire. Parce que le rire, c’est le terrorisme pour une société basée uniquement sur le pouvoir "

Dario Fo

 

Les médias français en ont peu parlé. Juste quelques images, quelques secondes dérisoires pour retracer un événement d’une telle ampleur ! L’Europe de la contestation n’est sans doute pas celle que préfèrent les professionnels de l’information. Pourtant, cette Europe là, solidaire et fraternelle, debout, refusant l’injustice, la guerre et le racisme, a su redonner un sens aux valeurs que l’Europe de nos dirigeants semble avoir oubliées.

Personne ne savait combien nous serions. Le FSE attendait 20 000 personnes, environ 60 000 y participèrent.

200 000 personnes étaient attendues pour la manifestation du 9 novembre " contre la guerre ", il y en eut 1 million, pour dire " non à la barbarie du Gouvernement américain ". Et, cette immense marée humaine, majoritairement très jeune, redessine aujourd’hui les contours de l’espoir.

Développement

Près de 2 ans après le premier Forum Social Mondial de Porto Alegre, se développent, localement, des forums sociaux continentaux. Après celui de Bamako pour l’Afrique, en janvier dernier, et en attendant celui de Paris en novembre 2003, la magnifique cité de Florence a su accueillir chaleureusement ce rendez-vous de militants venus de toute l’Europe et même au-delà. Malgré le spectre de Gênes et la mort de Carlo Giuliani, malgré la présence de 5 000 policiers et une campagne médiatique basée sur la peur, aucun incident ni aucune violence n’ont perturbé ces rencontres studieuses, joyeuses et festives.

Espace de réflexion et de construction d’alternatives au néolibéralisme économique, c’est au travers de 18 conférences, 140 séminaires et 250 ateliers que les participants ont partagé expériences, connaissances et … émotion.

Emotion quand cette " Folle de la place de Mai " a pris la parole, racontant sa lutte quotidienne pour faire émarger la vérité sur les disparus de la dictature argentine. Lutte pour laquelle sa vie est menacée et pour laquelle sa fille est morte assassinée.

Emotion quand, dans une salle de 2 000 personnes, la foule a entonné en chœur " Bella Ciao " en hommage à un " vieux " militant de la " Refondation communiste italienne ".

Expèrience, de ces militants Anglais, racontant les ratonnades policières dans les quartiers pakistanais, ou des jeunes Italiens expliquant la précarité, la pauvreté, l’exclusion.

Connaisance enfin, de " la démocratie participative " au " rôle des religions dans la critique de la mondialisation ", en passant par " les services publics ", " les causes de la guerre ", " l’eau " ou " l’Europe dans le nouveau (dés)ordre mondial ".  

A l’aide de 400 traducteurs bénévoles, les efforts conjugués de multiples ONG, syndicats, partis politiques et mouvements tels que : Droit au logement (DAL), Agir ensemble contre le chômage (AC), Droits devant … cette rencontre a permis de renforcer les bases d’un nouveau contre pouvoir que les Gouvernements ne peuvent plus ignorer.

Le samedi 9 novembre, une immense foule est descendue dans la rue pour dire " Non à la guerre ". Car, depuis l’effondrement du Mur de Berlin, les Etats-Unis prétendent bénéficier d’une hégémonie mondiale exclusive. La nouvelle doctrine dite " de la guerre préventive " préconise d’intervenir contre tout Etat considéré comme " nuisible " pour les intérêts américains. Or, nous savons que le sous-sol irakien recèle 112 milliards de barils de pétrole brut, soit les plus vastes réserves prouvées au monde, après celles de l’Arabie Saoudite. Quelle chance pour l’Amérique !

Mais, même si 1 million de personnes n’ont pas le pouvoir de décider, les Gouvernants seront bien obligés de " faire avec ".. " Faire avec " ceux qui, par solidarité, avaient accroché un drap blanc à leur fenêtre, ceux qui, le poing levé, nous saluaient fraternellement, ceux qui se sont retrouvés à Florence pour dire :

" Une autre Europe est possible "

" Un autre monde est possible "

Paule Graouer