Préparer l’opinion à la guerre

Telle semble être la " mission " depuis plusieurs semaines des grands médias et des principaux quotidiens, dont Le Monde, (nous n’avons pas oublié l’éditorial de JM Colombani du 12.09.01 " Nous sommes tous américains " ! ).

A lire quelques " gros " titres récents du Monde, la guerre inéluctable est acceptée. " Le monde arabe se résigne à une guerre contre l’Irak " " La Turquie manœuvre à la frontière de l’Irak et négocie âprement sa coopération avec Washington " " L’Allemagne a garanti aux Etats-Unis l’utilisation de leurs bases sur le territoire allemand, le transit des forces américaines ou alliées, le droit de survol " " Les parlementaires (français) semblent se résoudre à l’idée d’une intervention américaine en Irak "

De plus, l’on nous assure que " le dispositif militaire américain sera prêt fin janvier/début février ". Plus de 100 000 soldats américains seront dans la région.  Au Koweït (d’où les journalistes ont pu diffuser nombre d’images des manœuvres américaines) et au Qatar, sont déjà positionnés des centaines de chars, de transporteurs de troupes blindées, de canons et de chasseurs de mines, des centaines d’avions de chasse et de bombardiers, sans parler des énormes B2 et B 52 stationnés dans l’île britannique de Diego Garcia dans l’océan indien. Portes-avions, sous-marins nucléaires d’attaque, dragueurs de mines et bâtiments anglais vont venir compléter la logistique américaine dans le Golfe. Quotidiennement, des accrochages aériens opposent Bagdad et la coalition qui a multiplié ses largages de tracts destinés à inviter les Irakiens à ne pas soutenir le régime de Saddam Hussein.

Enfin, le calendrier se précise, la date-butoir étant le 27 janvier, date à laquelle Hans Blix, chef des inspecteurs en désarmement de l’ONU et Mohamed Al Baradei, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie (AIEA) au Conseil de Sécurité, doivent rendre leur premier rapport, qui devra établir (selon la résolution 1441 du Conseil de Sécurité de l’ONU du 8.11.02) si l’Irak possède des armes chimiques, biologiques ou nucléaires ou des missiles de longue portée, ou s’il tente de se doter de tels armements.

Au moment où la France prend la présidence du Conseil de Sécurité de l’ONU, pour 1 mois depuis le 1er janvier 2003, "  les parlementaires paraissent avoir intégré l’idée d’une intervention militaire américaine en Irak " Le Monde 03.01.03. Mme Alliot-Marie, ministre de la Défense, a réaffirmé qu’il n’était pas question que la France participe à une action hors du cadre de l’ONU ; M. de Villepin, ministre des Affaires étrangères, en accord avec les positions américaines et britanniques affirmait, suite à la remise par l’Irak d’un document sur ses programmes d’armement, le 19.12.02, "il y a des zones d’ombre ". Quant à M. Godfrain, secrétaire de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale, il annonce le 21.12.02 que " le porte avions Charles de Gaulle sera disponible pour appareiller en janvier ".

La France voudrait-elle (!) opposer son veto à la guerre, encore faudrait-il que les Etats-Unis acceptent de revenir devant le Conseil de Sécurité car la résolution 1441 (art. 12), adoptée à l’unanimité par celui-ci, permet aux Américains de ne pas avoir besoin d’une 2ème résolution. Le texte ne reconnaît pas au Conseil de Sécurité la prérogative exclusive de " décider " d’une intervention militaire, il stipule seulement qu’il devra se réunir et " examiner " la situation.

Alors, que reste-t-il ? Le " non " à la guerre des peuples et du peuple français. 

" Bush et son équipe ont tendance à voir le monde comme un match de football américain et leur stratégie est de renverser quiconque se met en travers de leur chemin … Le monde doit prendre conscience que la nécessité de contenir la puissance américaine est une responsabilité collective " (1)

En ce sens, les manifestations que nous organiserons en France et dans le monde, doivent permettre de maintenir la pression populaire sur nos Gouvernements respectifs, de soutenir le peuple américain qui s’oppose à la politique de Bush et le peuple irakien.

Les grands médias donnent peu de place au mouvement d’opposition américain. Et pourtant le 23.10.02, les Etats-Unis ont été témoins de la plus grande manifestation pour la paix depuis la guerre du VietNam : plus de 100 000 personnes à Washington, 45 000 à San Francisco et des dizaines de milliers dans d’autres villes américaines. Le 10.12.02, à l’occasion de la journée internationale des Droits de l’Homme, groupes d’extrême gauche, adversaires de la mondialisation libérale, mouvements religieux, associations locales, syndicats, artistes, intellectuels, se sont mobilisés dans 120 villes américaines.

Dénoncer (et stopper ?) l’attaque américaine sur l’Irak est une étape cruciale, la première d’un combat contre la volonté de domination mondiale de l’administration Bush ; dans " la stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis ", Bush déclare " les Etats-Unis utiliseront leur puissance pour convaincre ou contraindre des Etats à accepter ce qui est appelé leur responsabilité souveraine ". La " guerre préventive " contre l’Irak met en lumière le combat de l’Empire américain pour conquérir le marché de l’énergie du XXIe siècle. La maîtrise des ressources pétrolières de l’Irak (2ème réserve du monde) permettra d’influer sur les marchés de l’énergie, en disposant de " dépôts " garantissant l’approvisionnement, en cas de crise avec l’Arabie Saoudite, mais aussi d’exercer une pression sur le prix du pétrole. L’OPEP sera affaiblie et, avec elle, le Venezuela de Chavez .

James Woosley – ancien directeur de la CIA – déclare que les négociations entre les membres du conseil de Sécurité s’effectuent sur un fond de froids marchandages : ceux qui s’allient avec les Etats-Unis auront droit au partage des dépouilles, les autres devront réfléchir à leurs futures alliances. (2) C’est en considérant ces éléments "  objectifs " (!) que se diront ou se tairont les alignements sur les positions américaines.

L’autre élément déterminant de la guerre est l’industrie de l’armement. " Les vedettes du lobby militaire dans l’administration Bush rivalisent avec celles du secteur pétrolier ". Au moins 32 importants responsables de l’administration Bush sont, soit d’anciens administrateurs, soit des consultants, soit des actionnaires importants de sociétés fournissant de l’armement. En 21 mois, l’administration Bush a déjà réclamé plus de 150 milliards $ de nouvelles dépenses pour l’armement, alors que les dépenses pour la sécurité interne sont passées de 18 à 38 milliards $, de quoi subventionner, sans enfreindre la " libre concurrence ", l’industrie américaine et d’imposer, par la suprématie technologique, une stratégie impérialiste. (2)

" Le véritable auteur de la terreur planétaire " que nous devons combattre, " s’appelle le Marché : Terroriste sans visage, tout puissant, omniprésent… " (3)

Odile Mangeot

 
 

(1)Jérémy Brecher- auteur américain de 12 essais dont " la mondialisation par le bas " et " Grève " Grain de Sable d’ATTAC n° 378 du 12.11.02

(2)Charles André Udry –Grain de Sable d’ATTAC n° 377 du 6.11.02 " Lubrifier la machine de guerre "

(3) Eduardo Galeano-écrivain uruguayen-Grain de sable d’ATTAC n° 392 du 31.12.02

-- lire également " les vrais desseins de G. Bush " Michael Klare - le Monde Diplomatique 11.2002