Plus qu’un article rédigé, ce qui suit est plutôt un canevas d’un argumentaire pour résister à la nouvelle attaque contre les travailleurs et leurs retraites. C’est donc une introduction à un futur débat.
L’avenir des retraites se comprend mieux si l’on s’appuie sur le passé, non seulement celui des retraits mais aussi celui de l’environnement économique depuis 1945.
Cycle de Kondratief :
Amélioration des retraites de 1940 à
1973 ( 30 " Glorieuses " )
Dégradation des retraites de 1980 à
200 ( 30 " Piteuses ")
1945 – 2003 : deux périodes, nettes, se
distinguent à partir du taux de croissance :
Les 30 "Glorieuses " avec 5 % de croissance moyenne
par an, se terminent en 1973 (1er choc pétrolier). Ce
capitalisme peut être baptisé de bismarckien ou rhénan,
ou encore keynésien. Il correspond à des conquêtes
sociales importantes.
Les 30 " Piteuses ". De 1973 à nos jours,
la croissance annuelle n’est plus que de 2 à 3 %. Ce capitalisme
déjà connu au 19ème siècle, théorisé
à nouveau par Friedman, Hayek (prix Nobel 1974 et 1976) etc., mis
en place par Reagan (USA) et Thatcher (Angleterre) à partir des
années 80, correspond à des reculs sociaux désastreux.
Ainsi, le chômage, très faible durant les Glorieuses, explose
à partir de 1973.
Avec 10 ans de retard, la date charnière pour les
retraites et 1983.
Avant 1983 = larges améliorations
Après 1983 = graves détériorations
1945-46 – Dans une France ruinée par 6 années
de guerre, création du Régime Général (50 %
du salaire) et des régimes spéciaux : fonctionnaires, EDF,
SNCF,etc. Dans les années qui suivent, création des régimes
complémentaires (Agirc, Arco)
1973-80 – Doublement par rapport au salaire moyen
du minimum vieillesse
1983 – l’âge légal de la retraite
passe de 65 à 60 ans
2 – De 1983 à 2003 : les attaques contre les retraites
Bérégovoy indexe " provisoirement ! " les retraites sur les prix au lieu des salaires
1993 – Balladur " tape " sur le privé :
l’indexation sur les prix est pérennisée. Les retraites sont
basées sur les 25 meilleures années au lieu de 10, la durée
de cotisation passe de 37.5 à 40 ans, de très fortes pénalités
sont appliquées à ceux qui ne font pas 40 ans.
1995-96 – Echec de Juppé pour étendre
les mesures Balladur aux fonctionnaires (grèves !), mais aggravations
dans le privé pour les régimes complémentaires : le
" point " coûte plus cher et rapporte moins.
1997-2002 – Jospin tergiverse. Mais, sur les deux
décennies 80-90, les mesures progressives Bérégovoy,
Balladur et Juppé se font de plus en plus douloureuses.
3 – L’avenir des retraites : 2000-2040
Ce que disent les " patrons " :
L’argument démographique du vieillissement
est certes une réalité. Le ration retraités/actifs
va passer de 0.55 à 0.85 (cf OFCE : l’économie française
2000 – p. 97). Leur conclusion : il faut entre autres, augmenter les annuités
Ce que " les patrons " cachent :
Le ration précédent augmente beaucoup moins
si l’on tient compte de jeunes (aussi nombreux que les retraités)
des chômeurs … et des rentiers (voir plus bas). Il y a contradiction
entre, d’une part, travailler plus longtemps et d’autre part, le chômage,
les 35 H et les pré-retraites. Enfin, la natalité française
(2 enfants par femme) est très supérieure à celle
des autres grands pays d’Europe (0.5 enfant par femme).
Ce que nous affirmons :
Pour les 40 ans à venir, il faut faire passer
la part des retraites dans le PIB de 12.7 % actuellement à environ
18 % en 2040 (entre 16 et 20 % selon les auteurs et les extrapolations).
Il y a donc 5 %, en gros, de PIB à trouver en 40 ans. Donc, globalement,
chaque année, transférer entre 0.1 et 0.2 % du PIB en faveur
des retraités. Le même PIB qui va être multiplié
par 2.2 avec une croissance de 2 % et par 4.8 avec une croissance de 4
%.
Or, sur les 20 dernières années, la part du travail dans le PIB a chuté d’environ 10 % en faveur du capital passant de 70 à 60 % (voir par ex. " l’adieu au socialisme " de Desportes et Mauduit – p. 314 et aussi Nikonoff dans " la comédie des fonds de pension " p. 254 …
La comparaison s’impose : 10 % du PIB ont été accaparés, dans la discrétion, ne faveur des rentiers de 1980 à 2000. Il faudrait pour maintenir le système actuel des retraites trouver 5 % du PIB en 40 ans. Ce n’est pas nouveau, l’appétit des capitalistes pour l’argent est insatiable. Le 19ème siècle nous l’avait déjà appris.
Jean-Louis Guinard