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De la nécessité absolue de se mobiliser

 

Depuis plusieurs mois, la situation de l'emploi s'aggrave à nouveau, après un courte période de reprise (au moins sur le plan quantitatif) et la misère sociale devient chaque jour plus insupportable, avec pour toute réponse gouvernementale le renforcement de l'Etat-policier. C'est dans ce contexte qu'on assiste à une offensive de la droite comme de la gauche pour "réhabiliter le travail", ce qui en soi est déjà choquant quand justement il fait défaut, et pour beaucoup ne nourrit plus son homme (travail précaire, à temps partiel etc.).

La Droite accuse les 35H d'avoir entraîné "une dépréciation sans précédent du travail comme valeur sociale" (Fillon) et certains au Parti Socialiste (Montebourg, Peillon, Dray) prétendent que "la place, le rôle et la valeur du travail doivent être réaffirmés" dans la continuité de la "société du travail" de Jospin ou de l'idéologie de Tony Blair contre une soi-disant "société des assistés ".

Tout cela n’est pourtant que pure démagogie ne servant dans les faits qu'à justifier des politiques aggravant le sort des plus pauvres dont les minima sociaux sont parmi les plus faibles des pays développés. Comme le dit Dominique Méda(1), "La vraie question n'est pas de redonner le goût de l'effort à des individus qui, pour leur grande majorité, n'en manquent pas, ni de réhabiliter la valeur travail, mais sans doute de mieux répartir les charges rémunérées et non rémunérées, qui pèseront demain sur chacun d'entre nous". Autrement dit, il faut revoir les mécanismes de répartition de la richesse nationale, et arrêter de privilégier le revenu des actionnaires-rentiers au détriment du revenu des travailleurs.

Cette idéologie qui voudrait culpabiliser les pauvres et rendre les chômeurs responsables de leur situation (qui serait due à leur paresse supposée) est à l'origine du PARE, au moins du côté patronal. Pourtant le chômage n'est jamais volontaire. Lorsque l'activité redémarre les chômeurs trouvent du travail et ils perdent leur travail quand les affaires vont mal. Dès lors, il n'y a aucune justification à laisser les demandeurs d'emploi sans revenu, sous prétexte que cela les "désinciterait" à travailler, pur cynisme de nanti et démenti par les faits mais qui sert en fait à peser sur les petits salaires.

Depuis quelques années, Jacques Généreux fait dans Alternative économiques un grand travail de "sape" de l'idéologie libérale, point par point, en vulgarisant simplement les travaux des grands économistes. Il montre ainsi qu'aucun économiste sérieux ne partage ce que les journalistes économiques voudraient faire passer pour les évidences d'un libéralisme autorégulé et d'une économie autonome pour laquelle l'Etat serait un poids et une contrainte alors qu'il est le facteur essentiel de tout développement économique par ses "externalités positives" (formation, transport, Droit, etc.)

Dans un article intitulé "Comment réformer, le RMI", Jacques Généreux revient sur la volonté du gouvernement de transformer le RMI en RMA (Revenu minimum d’activité), dans le but de renforcer la conditionnalité du revenu minimum, en liant plus directement son versement à l’exercice de travaux compensatoires. " L’objectif n’est pas de sanctionner, mais de responsabiliser [les allocataires] pour les aider à revenir vers l’emploi. (…) Si un grand nombre de RMIstes font d’incontestables efforts d’insertion, on ne peut laisser d’autres abuser du système ", déclarait ainsi François Fillon .

Généreux démonte les arguments des libéraux et autres sociaux-libéraux. La "responsabilisation" des "assistés" n'a pas d'autre conséquence que d'exclure les plus fragiles, ce qui est moralement inacceptable et socialement désastreux. Il rappelle, d’une part, que 150 000 à 200 000 RMIstes sont dans un état physique ou psychologique excluant tout retour à l’emploi, et d’autre part, que les enquêtes et les analyses de tous les spécialistes de la réinsertion indiquent que la grande majorité des RMIstes préfèrent travailler et saisissent les opportunités d’emplois quand elles se présentent. Ceux-là sont d’abord victimes de la pénurie d’emplois.

Il récuse l’affirmation qu'il n'y aurait pas de droits sans devoirs pour rétablir qu'il n'y a pas de devoirs sans droits : on ne peut exiger des chômeurs qu'ils travaillent quand on leur refuse le droit de travailler ! Ce n'est pas lorsqu'on supprime "massivement des emplois de surveillants et d'aides-éducateurs dans les établissements scolaires pour financer la baisse des impôts de ceux qui ont des emplois stables et rémunérés" qu'on peut "se camper en moralistes exigeant toujours plus de responsabilité des individus les moins libres de choisir". Cette logique culpabilisatrice des plus pauvres tend ainsi à satisfaire  "le besoin malsain, mais de plus en plus populaire, de nier la responsabilité collective de la société et de déculpabiliser celle-ci en stigmatisant la responsabilité des plus faibles. Cette nouvelle morale sociale, qui se croit fondée par l’idée simpliste qu’il n’y a pas de droits sans devoirs, nous détourne d’un vrai débat sur le droit au revenu et le droit au travail".

Nos gouvernants actuels s’abreuvent à la source la plus réactionnaire et la plus dogmatique de la théorie économique dite néoclassique, celle qui affirme par exemple, qu’il faut du chômage pour ne pas avoir d'inflation. (ce qu'elle appelle "Nairu" [Non accelerating inflation rate unemployement ] et qui n'est absolument pas un concept scientifique mais une pure idéologie, absolument impossible à calculer, d'un niveau de chômage en dessous duquel on ne peut tomber sans augmenter l'inflation. Ce qui est certain, à l’inverse, c'est que les politiques de rigueur et de réduction de l'inflation pour protéger les rentiers produisent automatiquement du chômage.

Faisant allégeance au patronat d’une manière absolument scandaleuse, alors que les entreprises licencient par milliers et sont à des années lumières de "l’entreprise citoyenne" - cet autre mythe auquel on ose nous demander de croire encore - le gouvernement a nettement choisi son camp : celui des nantis, des rentiers, des exploiteurs, bref, celui de la France d’en haut. A la France d’en bas, le sophiste Raffarin réserve la rigueur, la liquidation des avantages acquis, la précarité, l’insécurité sociale, et à ceux qui s’agiteraient un peu trop, la taule.

Devant une telle attaque contre des décennies de lutte pour une société plus juste et plus humaine, un seul mot d’ordre : la mobilisation, pour crier haut et fort que nous ne laisserons pas notre destin collectif aux mains d’une bande de "voyous" encravatés.

Régis COROMINA

Notes :

(1) Alternatives économiques – n°209, déc. 2002

(2) Propos cités par Le Figaro du 30 octobre 2002

 

 


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