L’insoumission des peuples

Ce 15 mars 2003, des centaines de milliers de personnes dans le monde se sont mobilisées pour dire NON à la guerre de Bush, alors que l’on semble proche de l’invasion américaine en Irak.

La force des peuples a contraint Bush, malgré toute sa puissance, à s’expliquer, à manœuvrer, à aller faire la guerre seul, ou presque. Sa volonté de " remodeler " le Moyen-Orient a été entravée mais il ne s’arrêtera pas là, car les enjeux financiers liés au contrôle des ressources pétrolières, enjeux qui n’ont rien à voir avec la volonté affichée d’instaurer une démocratie en Irak, sont essentiels à l’économie américaine et à l’existence des Etats-Unis, comme puissance hégémonique dominant le monde.

Quand les peuples se mobilisent, ce n’est pas seulement la guerre qu’ils rejettent, ils expriment aussi leur refus d’un monde entièrement dévoué au marché, modèle unique de société, basé sur l’ultra-libéralisme, celui qui lamine les peuples par la misère, l’exploitation des hommes et des ressources naturelles de la planète. Notre conception du monde est à l’opposé de celle de Bush et de ses soutiens. Voilà pourquoi, même si la guerre a lieu, nous devons rester mobilisés pour demain car la volonté d’hégémonie est " sans limites ".

Nous avons à forger des moyens de défense contre les manipulations d’opinions, les mensonges, auxquels les médias participent. Aujourd’hui, les médias nous donnent à voir des images d’enfants mal formés, à entendre des témoignages de soldats américains souffrant du syndrome de la 1ère guerre du Golfe, des explications scientifiques, dénonçant l’usage de déchets radioactifs dans la composition des bombes utilisées au moment de la 1ère Guerre du Golfe (puis, au Kosovo…), celles qui contiennent de l’uranium appauvri. Hier, qui en parlait ? Qui rappelle, aujourd’hui, que la guerre contre l’ Irak n’a jamais cessé ? Que ses morts ont grossi tous les oubliés de l’Histoire, qui, aux yeux des " grands " de ce monde n’ont pas la même importance, selon qu’ils proviennent de l’Occident ou de l’Orient, du Nord ou du Sud, d’un pays " ami " ou " vassal " ou d’un " partenaire " économique et commercial. Les Tchétchènes en sont l’illustration aujourd’hui, hier, les Rwandais et bien d’autres. Qui nous parle en ce moment de la Palestine, oubliée pour l’heure, comme si tout était redevenu " normal " ? A la télé, dans les journaux, les images " fortes " qui font vendre, doivent toujours être renouvelées car " les médias, c’est une industrie. On vend du papier, comme on vend des poireaux ". (1)

Notre tâche est donc d’ancrer le mouvement de contestation , qui, par la démonstration historique, par l’échange et la confrontation des idées, participera à mettre à jour les stratégies hégémoniques de l’empire américain, et de tous ceux qui soutiennent leurs conceptions d’organisation du monde, afin de déjouer, en les dénonçant, les stratégies de destruction de l’homme et de la planète. Les mouvements contre la guerre en Irak, ont réussi à dévoiler les mensonges de Bush et de Blair, prétextant que l’Irak détenait des armes nucléaires et bactériologiques, s’appuyant notamment sur la thèse de 3ème cycle d’un étudiant, vieille de 10 ans ! La politique de communication est apparue, en plein jour, comme une politique de manipulation. Mais, ne nous y trompons pas. Les médias n’auraient pas été si acharnés à dénoncer la " manipulation anglo-américaine ", si le Gouvernement français n’avait pas été contre la guerre ; demain, ils seront peut-être les manipulateurs, en ne donnant qu’une opinion à attendre, lorsqu’il s’agira de justifier les nécessaires efforts des Français, qui doivent participer à la baisse de leur niveau de vie (salaires et retraites) ou encore accepter les privatisations, les fermetures d’usines, les plans sociaux, qui se succèdent sans discontinuer.

Il nous appartient de faire progresser le Droit international, le droit à l’existence de tous les peuples (droit à la vie, à la santé, au travail…), le droit d’expression et la liberté de pensée. C’est en revendiquant ces droits que nous faisons l’Histoire des peuples, celle qui refuse la " guerre des civilisations " du " Bien contre le Mal ", jetant le discrédit, sans distinction, sur le Mal, qui serait incarné par les musulmans intégristes (et donc, terroristes !), et de manière analogique, par tous les musulmans, faisant régner la peur de l’autre, sans donner à connaître la réalité de l’Islam et des courants réformistes qui le traversent, et, ce faisant, étouffant la volonté des peuples de se libérer des jougs, qu’ils soient religieux ou laïcs. L’Islam, tout comme le christianisme, ou le judaïsme, peut faire des hommes debout, engagés. Le travail des " réformistes " en Islam, et notamment de Tariq Ramadan auprès des jeunes des quartiers, va dans le même sens que celui des " théologiens de la Libération " qui, hier, en Amérique du Sud se sont opposés à la dictature, à la misère, ou encore à ceux qui, en France, ont contribué, au sein du mouvement ouvrier, à faire progresser les droits sociaux.

Ce sont tous les citoyens, motivés par leur foi, ou athées mus par leur croyance en un monde plus juste, qui sont les moteurs de l’Histoire nationale et internationale, défendant le droit à l’existence de tous les peuples.

Odile Mangeot

(1) PLPL n°12 – décembre 2002 – " les écoles (de journalisme) du parti de la presse et de l’argent "