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Mondialisation financière et démantèlement de " l’Etat national social ",

une stratégie mûrement réfléchie

Contribution de Gérard Deneux

 

Comme l’a souligné Jean Restlé, au cours de son intervention sur l’Accord Général du Commerce des Services (AGCS)(1), des institutions supranationales sur lesquelles ne s’exercent aucun contrôle démocratique, constituent une " machine infernale " à libéraliser, privatiser, démanteler. Ce sont les acquis sociaux, les services publics, les moyens d’intervention sociale des Etats qui font l’objet d’attaques incessantes, sournoises, remettant en cause les fondements mêmes de la civilisation telle qu’elle s’est définie après la 2ème guerre mondiale. Le processus de marchandisation d’activités, jusqu’ici considérées comme relevant de l’intérêt général ou du Bien Commun, comme l’eau, l’éducation, la santé, vise, en élargissant tous azimuts la sphère d’intervention des intérêts privés, à accroître les profits capitalistes.

Il ne s’agit pas, ici, de reprendre les réflexions, les analyses déjà fournies (2) ou accessibles, mais de faire part des travaux qui, d’une certaine façon, se situent dans la lignée de Keith Dixon (3). La revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales, dans son numéro de mars 2003, déconstruit le discours idéologique dominant qui tend à occulter les responsabilités politiques ayant présidé à la mise en œuvre de cette " contre-révolution conservatrice " qui, par euphémisme, renvoie à cette mondialisation banalisée. Nous nous inspirons largement de l’article de Sébastien Guex, intitulé " la politique des caisses vides " tendant à démontrer que l’inversion du rapport de forces qui s’opère au détriment des salariés, le rôle joué par les Gouvernements nationaux reste central. Ce sont les membres de ces équipes gouvernementales qui, représentés à l’OMC, au FMI et à la Banque Mondiale, prennent les décisions, concourent au démantèlement de " l’Etat social redistributeur ". Ils sont, bien sûr, très bien conseillés. En atteste la boîte à outils, préparée et diffusée par le département Communication de la Banque mondiale, destinée aux décideurs politiques et économiques voulant préparer la privatisation de leurs services publics en contournant les résistances (4).

Après avoir constaté que la crise financière des Etats coïncide avec le mouvement de mondialisation financière, seront soulignées les modalités de cette mise en œuvre des politiques de caisses vides, qui renvoient, non pas à une fatalité, mais à la volonté de réunir les conditions favorisant l’explosion des profits et à la domination du capital transnational sur le monde.

De même, les marchés, qu’ils soient plus ou moins réglementés, sont des " constructions politiques " organisées par les Etats nationaux. Le recours massif aux marchés financiers par les entreprises dans la dernière période, non seulement favorise puissamment la concentration du capital, mais, se manifeste surtout par la croissance des inégalités que renforcent encore les mesures politiques de déréglementation du marché du travail.

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L’apparition de la mondialisation sur la scène mondiale est généralement identifiée à la mise en œuvre de politiques libérales, initiées par Mme Thatcher et R. Reagan dans les années 75, plus tardivement en France, sous Bérégovoy en1983. En ce qui concerne plus précisément la crise financière des Etats, le parallélisme avec l’explosion du marché financier est frappant. Malgré la très lourde dette léguée par la 2ème guerre mondiale, les déficits des Etats sont, dans une première phase antérieure à 1975, très rarement supérieurs à 1 % du PIB. Mieux, dans les pays de l’OCDE, le poids de la dette diminue, en moyenne, de 3,6 % par an. En revanche, dans la période qui suit, après une progression limitée jusque dans les années 80, le déséquilibre chronique et profond entre recettes et dépenses provoque endettement croissant de plus de 3 % du PIB et une crise profonde des finances de l’Etat. Que s’est-il passé ?

Le passage d’un financement bancaire des entreprises (modèle rhénan, keynésien) au recours massif aux placements financiers, qui est une des caractéristiques de la mondialisation libérale, n’est pas un élément d’explication probant.

S’il est vrai que les pays occidentaux entrent dans les années 73-74 dans une longue période de ralentissement de la croissance, l’impact de ce facteur ne saurait également être surestimé. Certes, le taux de progression du PIB, qui était de 4,9 % entre 1960-73, se situe désormais légèrement en dessous des 3 %, mais la croissance demeure. La cause déterminante du creusement des déficits publics est à rechercher du côté des décideurs politiques et de leurs idéologues.

 

 

I – Etat fiscalement défaillant, donc, dépendant du capital

 

Qu’on en juge par ces quelques citations : pour les penseurs libéraux américains, il s’agit de créer " un climat d’austérité " qui constitue un " levier permanent pour couper dans les budgets sociaux ". Guy Sorman, en France, ne dit pas autre chose, lorsqu’il affirme crûment en 1984 : " le déficit engendré par la baisse des impôts apparaît … comme un formidable moyen de pression pour contraindre l’Etat à rétrécir ". Au delà des euphémismes et pseudo-évidences, faisant valoir la nécessité prétendument incontournable de " dégraisser le mammouth ", de confiner l’Etat dans ses fonctions régaliennes, et pour ce faire, de disposer d’un " Etat svelte ", il s’agit de conditionner les esprits et de créer les conditions d’un Etat pauvre, fiscalement défaillant. Quant aux politiques, ils parlent parfois sans détours : " Si vous ne connaissez pas une véritable crise, inventez-la " déclare R. Richardson , Ministre des finances de Nouvelle Zélande, ou un autre, Suisse, celui-là " Il faut que les comptes étatiques se clôturent par un déficit … ce qui exerce toujours une impression salutaire sur le peuple ".

La méthode est simple : tout en clamant, comme Reagan, que les " dépenses sociales sont extravagantes ", on réduit les impôts pour ensuite, démanteler l’aide sociale, comme l’a fait Clinton. Cette politique " d’assèchement des caisses de l’Etat " permet ensuite de mener une offensive pour diminuer les dépenses d’éducation, de santé, de culture, de démanteler les systèmes de sécurité sociale et de réduire, à presque rien, les aides aux pays du Sud. En outre, les politiques dites de désengagement de l’Etat, en viennent à vendre les bijoux de famille, les entreprises publiques, puis les services eux-mêmes, car " la crise financière de l’Etat est le meilleur stimulus à la privatisation ".

Les chiffres qui suivent, traduisent cette régression persistante : alors qu’au cours de la période 1960-1980, le total des dépenses publiques des pays de l’OCDE progressait en moyenne de 1,61 %, il diminue, depuis, régulièrement de 0,2 % par an.

En outre, la diminution des recettes de l’Etat se traduit par une modification de la répartition de la charge des impôts, au détriment de la grande majorité des salariés. Ce transfert est encore aggravé par les hausses concomitantes de TVA qui pèsent sur la consommation des ménages les plus fragiles.

Enfin, la politique des caisses vides accroît le recours à l’emprunt, donc la dette de l’Etat. Il s’ensuit un degré de dépendance de l’Etat à l’égard des milieux capitalistes que la mondialisation financière internationalise. Comme le dit Yves O Connor, un économiste progressiste de renommée mondiale, " la dette resserre l’emprise du capital sur l’Etat … inféodé politiquement à la classe des banquiers, investisseurs et autres courtiers en argent ". A l’image d’un grand banquier anglais, parlant du Travailliste John Major qui venait de succéder à Margaret Thatcher, ils en deviennent extrêmement arrogants : " Il devra nous parler avec des gants, car il faudra bien l’aider à combler le trou des dépenses publiques. " Que dire des marges de manœuvre de nos propres politiciens, de Droite comme de Gauche, lorsque l’on sait qu’en 1999, 80 % de la dette publique est aux mains d’établissements financiers, de fonds de pensions, de particuliers particulièrement riches et que le ¼ de ces détenteurs de capitaux sont des étrangers ? Cette politique d’accompagnement de la mondialisation financière par le creusement des déficits publics, qui a puissamment renforcé la concentration du capital et l’élargissement de son champ d’action (privatisations), s’est conjuguée avec une action de déréglementation des marchés. C’est ainsi que les 200 premières internationales totalisent un chiffre d’affaires supérieur au ¼ du PIB mondial (5).

 

 

II – L’organisation du marché, résultante de décisions politiques

Il est impossible de penser le politique et l’économique comme deux ordres séparés. Le marché est toujours une organisation qui laisse plus ou moins faire ou prescrit des règles et des moyens de circulation des marchandises, au sens large, (y compris sous forme de " capital argent " ou " capital fiduciaire "). " Les marchés sont, avant tout, des constructions politiques " (6)

Pour nous en tenir aux seuls marchés financiers, qu’il suffise de rappeler qu’ils ont été, pendant longtemps, au cours de la construction de l’Etat national, des marchés d’obligations publiques et que seules les firmes publiques et semi-publiques étaient cotées en Bourse. Ce n’est qu’à partir de la fin du 19ème siècle, avec la vague de libéralisme qui l’a caractérisé, que les grandes firmes obtiennent, par la législation et la réglementation, le droit de s’organiser en sociétés anonymes. Cette financiarisation de l’économie, marquée au cours de cette première période par le développement des banques et l’expansion de la Bourse, est organisée par et pour les Etats nationaux, pour financer les expéditions coloniales et les guerres. L’Etat, demandeur de capital, fait appel à des agents qui en possèdent et sont désormais chargés des transactions financières, mais il demeure une instance de régulation ou de dérégulation.

La mondialisation actuelle a consisté, par décision publique, à démanteler des participations croisées où la place de l’Etat était déterminante, livrant ainsi les firmes nationales aux actionnaires extérieurs ou étrangers. Par le moyen des actions cotées en Bourse, se vendant tous les jours, la propriété du capital circule de mains en mains ; tous les jours, les entreprises sont à vendre. Ainsi, le capital des entreprises appartient désormais aux fonds de pension, aux organismes de placements collectifs (Sicav), aux compagnies d’assurance vie … Aux USA, ceux que l’on désigne, sous l’appellation fourre-tout d’investisseurs institutionnels, détiennent presque 60 % des actions des entreprises cotées en Bourse, contre 15 % en 1960 (7). En France, 45 % des actions des entreprises françaises … appartiennent à des fonds d’investissement étrangers.

Cette domination du capital financier sur les entreprises induit une conception boursière de leur comportement. La logique industrielle y devient secondaire. Cette prégnance des requins de la finance a été renforcée par la modification des modes de rémunération des dirigeants d’entreprises. Le versement de stocks options les conduit tout naturellement à rester les yeux rivés sur les cours des actions. La marche de l’entreprise est, par conséquent, rythmée par la recherche des rendements financiers les plus élevés possibles. La course aux fusions, à coups d’OPA plus ou moins hostiles, mobilise des masses considérables de capitaux, ce phénomène étant rendu possible par les gains de productivité escomptés, pour autant que l’on comprime toujours plus les dépenses salariales. Délocalisations, licenciements, plans dits sociaux, recours massif aux CDD, aux intérimaires, demeurent la " variable d’ajustement " incontournable pour mettre en œuvre cette stratégie d’oligopole. Cette logique rentière où les " compressions " d’effectifs sont saluées par les cours de la Bourse qui s’en enchantent, modifie profondément, par la précarisation des salariés, les rapports sociaux. Une société duale se met en place qu’aggravent encore les décisions politiques de mise en cause des acquis sociaux. Une comparaison est révélatrice, elle concerne les plus riches : aux USA, en 1965, un dirigeant d’entreprise gagnait en moyenne 44 fois plus qu’un " ouvrier moyen ". En 1998, cet écart s’est creusé à 419 fois …

Reste que l’organisation du marché de la finance, c’est aussi l’organisation de l’évasion et de la fraude fiscale d’une ampleur sans précédent.

De 1980 à 2001, l’imposition fiscale sur les entreprises a été réduite de 13 % aux USA, de 42 % au Royaume Uni, de 50 % en Suède, de 36 % en Allemagne … Il s’agit là d’un plan concerté d’organisation de la concurrence fiscale du moins-disant entre pays, et ce, dans le nouveau contexte de la globalisation financière. Quant à la spéculation financière sur la valeur des monnaies, l’on sait qu’elle n’est pas imposée, malgré les sommes considérables dont elle fait l’objet (revendication de la taxe Tobin ..).

Et, pour clore cette énumération de la fraude fiscale légale, il convient de souligner que la taille et la diversification des firmes transnationales et de leurs filiales induit un commerce mondial intra-groupes considérable qui échappe au fisc. A cet égard, la palme reviendrait à Robert Murdoch, l’un des grands magnats des médias qui, de 1988 à 1998, a réalisé 21 millions $ de bénéfices sans verser un seul centime d’impôt en Grande Bretagne.

De surcroît, c’est à partir des années 70 que se développent les paradis fiscaux. Un quart des capitaux mondiaux s’y trouvent ou y transitent pour échapper au fisc de leur pays d’origine et occulter leur provenance louche ou maffieuse.

La criminalité organisée, les marchands d’armes, les terroristes endimanchés y côtoient les requins de la finance et leurs sbires. Installés dans 70 zones confettis avec l’accord des puissances tutélaires, leurs habitants qui ne totalisent que 1,2 % de la population mondiale, reçoivent quelques miettes du festin. Ce scandale n’émeut pas les " honorables " représentants des instances supranationales (ONU, OMC, Banque Mondiale, FMI …) encore moins les puissances occidentales. Et pour cause, les paradis fiscaux constituent, pour la mondialisation financière, l’un des dispositifs les plus essentiels de cette " stratégie mûrement réfléchie " de déréglementation organisée.

 

 

III – Les fables et les intentions des idéologues ultra-libéraux

 

Le creusement des déficits publics est sciemment organisé, mais le peuple n’en doit rien savoir. Les parlementaires eux-mêmes, doivent l’ignorer, les dirigeants politiques des Etats, s’ils émettent des doutes, doivent être écartés. Baisser les impôts n’est-ce pas agir pour le peuple ? C’est le sens qu’il convient de conférer aux délires des idéologues de la pensée unique qui voudrait faire accroire que la démocratie parlementaire, lieu de toutes les démagogies, serait responsable de la dérive des finances publiques. La vacuité de leurs fables renvoie à leurs intentions véritables, visant à porter atteinte à la démocratie représentative, pourtant déjà bien sclérosée.

D’après eux, en effet, les parlementaires, les élus tentent de s’attacher une clientèle d’électeurs-consommateurs, afin de maximiser les votes en leur faveur. Pour ce faire, ils augmenteraient les dépenses et diminueraient les impôts, pour entretenir leur capital électoral. Si ce constat n’est pas faux en soi et s’inscrit bien dans le contexte et d’une dépolitisation croissante des formations partidaires, sans véritable projet de société, et d’une vision gestionnaire à courte vue, il ne suffit pas à rendre compte de l’ampleur de la crise fiscale, encore moins de la baisse des dépenses sociales ou de l’importance des privations qui génèrent un mécontentement populaire grandissant.

En fait, cette pseudo tentative d’explication qui prend comme bouc émissaire le parlementarisme, légitimerait pour les ultra libéraux, la nécessité de rogner les prérogatives des élus, tout particulièrement sur le plan budgétaire. Force est de constater que le pouvoir des (dits) exécutifs n’a fait que se renforcer au fil du temps, et ce, au détriment des assemblées (dites) délibératives. Ce véritable pouvoir décisionnaire a d’ailleurs abandonné, lui-même, nombre de ses compétences au profit d’instances supranationales, sans aucune légitimité démocratique. Apparemment, cela est loin de satisfaire les ultra libéraux. Qu’il y ait désormais des banques centrales, dites indépendantes, qui ruinent toute possibilité de politiques monétaires indépendantes, ne serait encore qu’un pis aller. Selon un proche de Berlusconi, Victor Tanzi, il faudrait instituer un organisme " technique ", " autonome ", chargé de la conduite et du suivi budgétaire. Dans ces conditions, on peut se demander, à quoi serviraient les ministres, sans qu’il soit nécessaire d’évoquer les pouvoirs qui resteraient aux parlementaires. La démocratie réduite à la dé-motscratie !

Cette entreprise de délégitimation des régimes démocratiques révèle ses véritables intentions lorsque le même Tanzi s’émerveille, face aux prouesses impressionnantes réalisées par la dictature Pinochet : avec une rapidité surprenante, il a réussi à réduire les dépenses publiques de manière plus que considérable …

 

IV – Questions actuelles

 

La fiabilité de ces discours, même s’ils rencontrent un écho encore trop prégnant, d’autant qu’ils sont toujours confortés unilatéralement par l’importance et le sérieux que leur accordent les médias, connaissent désormais leurs limites objectives. L’époque, au demeurant très courte, de la flamboyance boursière et de la croyance en sa pérennité s’est achevée. Le modèle libéral de domination du capital financier ne fait plus rêver les petits boursicoteurs. Le marasme actuel amène à différer des privatisations prévues de longue date. Les politiques d’ajustement structurel du FMI n’ont provoqué que la misère sociale, voire l’effondrement de pays comme l’Argentine. Des bulles financières ont crevé, provoquant fuite des capitaux et désastres sociaux. Les dirigeants de la nouvelle économie, longtemps adulés, ont révélé, lors de la déconfiture de leurs groupes, leur face cachée de flambeur (Vivendi) ou la réalité de leurs comportements délictueux (Enron). L’économie mondiale semble s’engager dans la récession. Quant aux travailleurs, ils connaissent des difficultés sociales de plus en plus prononcées, car l’offensive libérale, contre eux, se poursuit. Les caisses sont vides, il y a donc lieu de couper dans les dépenses sociales. Les discours messianiques des néo-conservateurs américains, qui s’est matérialisé dans la guerre contre l’Irak, sont peut-être l’indice d’une métamorphose de la pensée unique. La mondialisation financière sous hégémonie américaine oblige les idéologues à durcir le ton : vous êtes contre nous ou avec nous. Les récalcitrants doivent être mis au pas. Cette fuite en avant est grosse de contradictions, y compris celles concernant les tensions inter-impérialistes qui, pour le moins, pourraient prendre les formes de guerres commerciales ou de menées déstabilisatrices contre des gouvernements européens. Du reste, elles ont déjà commencé.

Face à cette situation, le mouvement altermondialiste, même s’il a réussi à gagner à sa cause toute une frange de l’opinion internationale, ne semble pas à la hauteur des enjeux, ni en capacité de peser réellement sur le cours des évènements. Cette mouvance hétérogène d’opposition à la globalisation financière ne possède pas de véritable stratégie et représente encore moins une réelle alternative. Pour qu’il puisse disposer d’un espace politique lui permettant d’être audible, de faire entendre les propositions dont il est porteur, encore faut-il que des luttes de grande ampleur modifient le champ social et politique, verrouillé par des appareils bureaucratiques et électoraux, acquis aux compromissions avec les tenants du libéralisme. Pour reléguer au musée des archaïsmes les fausses solutions préconisées par ces institutions, quand bien même elles adopteraient un discours de façade combatif, tout doit être tenté pour en aiguiser les contradictions. Encore conviendrait-il que le mouvement altermondialiste gagne en homogénéité, en structuration. A vrai dire, en France du moins, il a pris la figure d’un cartel d’organisations, sans assise populaire structurée, sans démocratie interne vivace. Ses réseaux, importants au demeurant, ne constituent pas la colonne vertébrale de cette organisation.

Autant il est juste de constater que la " réforme  des retraites, de l’assurance maladie, la décentralisation de l’éducation nationale, sont les trois terrains sur lesquels le gouvernement (français) lance son offensive ", autant il est pertinent d’affirmer que " si le gouvernement l’emporte, la conséquence sera équivalente à la défaite des mineurs britanniques en 1986 " (8), autant le mouvement altermondialiste ne semble pas à la hauteur pour relever ces défis faute, pour le moins, d’avoir su appréhender sa nécessaire homogénéisation-structuration suffisamment tôt. Ce processus, s’il n’est pas entrepris clairement, fait courir le risque de l’étiolement.

Pour l’éviter, des analyses doit se déduire une stratégie, débattue démocratiquement et c’est bien là, du reste, la difficulté. Le mouvement altermondialiste doit adopter un fonctionnement démocratique exemplaire. En cela, il pourrait préfigurer l’alternative dont il se veut porteur.

 

Gérard Deneux

 Notes :

(1) voir article précédent

(2) voir notre publication Les cahiers de l’émancipation sociale - Intervention n°2 " La mondialisation libérale " et tous les articles publiés par Le Monde Diplomatique et notamment ceux repris dans Manière de Voir n°

(3) lire à ce sujet de Keith Dixon " les évangélistes du marché " édition Raisons d’agir, ainsi que l’ouvrage décapant de Frédéric Lordon " Fonds de pension, piège à cons ?" éditionRaisons d’agir

(4) voir article de Gérard Surdez " Banque mondiale : après les retraites, les autres secteurs " Grain de Sable – courriel d’ATTAC n° 423

(5) Le Monde Diplomatique – avril 1997

(6) Polanyi – La grande transformation

(7)La Grande-Bretagne fait mieux. Les 2/3 du capital des entreprises appartiennent aux fonds de pension et autres produits financiers du même type …

(8)note adoptée par le CA d’ATTAC, lors de sa réunion du 26 avril 2003

 

 


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