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Les risques alimentaires et la malbouffe

Contribution de  Fabien Desgranges
à partir du livre de José Bové et François Dufour

"Le Monde n'est pas une Marchandise"

 

 

 

Les différentes pratiques agricoles et leurs risques
 

1) Les hormones de croissance

Leur but à travers leurs utilisations est d’obtenir un rendement maximum sur les animaux sans se préoccuper des conséquences. C’est le productivisme agricole !

Leurs utilisations s’éloignent des méthodes respectueuses des rythmes et cycles naturels des animaux. En 1988, les paysans et les consommateurs ont obtenu une loi interdisant leurs utilisations par l’Union Européenne dans les élevages.

La somatotropine bovine (BST), pour exemple, a été élaborée par la firme MONSANTO, géant mondial de la pharmacie. Elle permet d’augmenter de 20 à 25 % la production laitière d’une vache sans lui donner davantage de nourriture. L’usage qui en est fait n’apporte rien à la qualité et à la composition organoleptique du lait, bien au contraire, des risques de déséquilibres et de carences dans le lait existent.

Un autre exemple important est celui de certaines hormones de synthèse cancérigènes lorsqu’elles se transmettent à l’Homme. Elles sont officiellement interdites d’utilisation mais leur commerce existe. Ces produits dangereux continuent d’être utilisés à l’insu des consommateurs. Une étude de l’Union Européenne a montré que des viandes bovines américaines, écoulées sur le marché, contenaient des hormones interdites aux Etats-Unis. En janvier 96, les Etats-Unis ont porté plainte devant l’OMC contre le refus européen d’importer de la viande aux hormones. Malgré cela, le Parlement européen a maintenu sa volonté de ne pas revenir sur cette décision.

L ‘objectif de ces hormones de croissance est d’obtenir 5 à 10 % de poids de carcasse en plus, soit un gain de 500 à 1 000 F par bovin. « De l’eau vendue au prix de la viande » telle est la devise. Les gains financiers poussent dans ce sens les éleveurs ainsi que les groupes pharmaceutiques, mais aussi toutes les filières qui vont de l’abattoir au steak surgelé. L’accroissement des marges de profit pousse à la standardisation des carcasses afin de pouvoir automatiser la découpe et la transformation. Les hormones et anabolisants sont les vecteurs de cette standardisation.

On constate, à travers l’usage de ces hormones de croissance, à quel point les règles du libre échange n’admettent ni  principe environnemental, ni principe de précaution. Elles n’obéissent qu’au profit.
 

2) Les activateurs de croissance (autres que les hormones de croissance) à travers le cas des antibiotiques

L’origine de leur utilisation, toujours liée au productivisme, provient de deux phénomènes. Face à une plus grande concentration des élevages sur un même lieu, il y a une hostilité microbienne plus importante et, pour  neutraliser ces microbes, on utilise des antibiotiques, croyant tout éviter, d’une part. D’autre part, les défenses immunitaires des animaux s’affaiblissent, du fait de l’intensification des performances des élevages. Par exemple, une vache que l’on pousse à produire 8 000 à 10 000 kg de lait par an est plus fragile à toutes sortes d’incidents sanitaires que la même vache dont on se satisfait de 6 000 kg par an. Ainsi, pour compenser cette fragilité, on utilise des antibiotiques.

Le problème est que cette supplémentation médicamenteuse se fait sans contrôle vétérinaire sur le choix des antibiotiques et leurs dosages. En conséquence, ces animaux livrés à la consommation risquent de contenir, dans leur viande, des produits de traitement plus ou moins actifs, selon leur stade de dégradation.

Une question est particulièrement préoccupante, celle de la résistance aux antibiotiques du corps humain, constatée depuis une trentaine d’années. Elle est due à la tendance généralisée à se surmédicaliser et aussi, à l’usage abusif des antibiotiques dans les élevages. On a récemment constaté le cas d’une personne morte au Danemark du fait de sa résistance aux traitements antibiotiques dont elle avait besoin. Les médecins ont remarqué qu’elle était victime d’associations d’antibiotiques contenues dans la viande qu’elle consommait.

D’autres dérives de ce type sont possibles, à l’exemple de « l’entérocolite » ou maladie du lapin, qui décime beaucoup d’élevages depuis 2 à 3 ans. Les chercheurs étant impuissants à diagnostiquer la cause de la maladie (qui se traduit par des troubles digestifs chez le lapin), les éleveurs ont augmenté les doses antibiotiques chez l’animal, en voulant réduire sa fragilité. Ce qui est très grave est que l’on a connaissance de l’utilisation, par certains éleveurs, d’antibiotiques réservées normalement aux maladies humaines.
 

3) Les farines animales

Ces farines ont été utilisées dans les élevages, dans le but évident de toujours intensifier les différentes productions. Pour augmenter les performances chez les animaux, on leur apporte de la nourriture plus concentrée et toujours plus riche. Le maïs, riche en glucides et amidons, a remplacé l’herbe des pâturages, puis on a importé du soja des Etats-Unis, plus riche en protéines, et enfin, on a utilisé les farines animales, encore plus riches et coûtant moins cher que le soja, car issues des déchets d’abattoirs ou d’installations de traitement et de transformation des produits animaux.

Le problème est que pour commercialiser de telles farines, il faut respecter certaines normes quant à leur fabrication. Pour être concurrentiels, les industriels anglais du traitement des farines animales, n’ont pas respecté les normes européennes qui imposent de chauffer les déchets animaux au-delà de 130° pendant 20 mn et sous une pression de 3 bars.

Leur utilisation est devenue, donc, contre nature et dangereuse puisque l’on a donné, sans le savoir, des déchets de viande non chauffés à des herbivores. A leur insu, les éleveurs anglais et français ont distribué à leurs vaches laitières de telles farines. Les éleveurs ignoraient le contenu et la provenance de leur farine et ils ont découvert, par la suite, qu’ils violaient une loi naturelle puisqu’ils rendaient leurs vaches carnivores.

On connaissait les risques de telles consommations dans les élevages, mais on a laissé faire en permettant que  la sécurité alimentaire s’efface devant les prérogatives du Marché et du profit ; les conséquences en sont aujourd’hui des maladies.

a) La maladie de la « vache folle » ESB – Encéphalite spongiforme bovine-

En Angleterre, la maladie est devenue endémique au début des années 80. On a laissé les éleveurs anglais vivre avec cette maladie dans leurs élevages, alors que, très tôt, on savait ce qu’il fallait faire pour l’éviter, à savoir chauffer les déchets animaux ou encore, interdire l’usage de telles farines aux bovins. L’Union européenne a adopté la même attitude et, de plus, a laissé croître les exportations de farines anglaises au nom de la « liberté d’échanges communautaires ». Au total, on a recensé jusqu’en 1999, 178 000 cas de vache folle en Angleterre.

En France, dès 1988, l’ESB est reconnue comme maladie bovine dont les répercussions sur l’homme sont sérieusement envisagées.  C’est seulement en 1991 que la France interdira les farines animales dans l’alimentation des herbivores. De 1989 à 1996, c’est la politique de l’autruche. La plupart des farines animales anglaises et françaises ont été utilisées dans l’alimentation des animaux, en violation avec toutes les réglementations  établies (défaut de cuisson des farines par les équarrisseurs, mélanges des farines dans les usines fabriquant indifféremment des aliments pour herbivores et autres animaux).

En mars 1996, la France décrète l’embargo sur l’importation de la viande britannique. On est en pleine crise de la vache folle et les polémiques se développent, ce qui est déjà trop tard.

Entre 1988 et 1996, les Parlements français et européen  ont réussi à établir, à partir de documents issus des douanes françaises, comment les farines animales sous embargo ont circulé en France. Ils ont mis à jour les circuits du trafic et toutes les organisations qui consistaient à faire passer ces farines par d’autres pays européens, pour, finalement arriver en France. Les entreprises complices sont connues mais, à la date de l’année 1999, aucune poursuite n’a encore été engagée contre elles.

 
 

b) Répercussion sur l’homme : la maladie de Creutzfeld-Jakob

Cette maladie se traduit par la dégénérescence des tissus nerveux humains. Le bilan, fin 99, est de 49 morts en Angleterre et de 2 morts en France. Les spécialistes pronostiquent en Angleterre, de 14 000 à 500 000 morts et même plus, selon la durée d’incubation des prions (entre 5 et 20 ans).

Deux mesures ont été prises, depuis le scandale en 1996.

En décembre 1996 : la loi sur l’équarrissage qui, en principe, impose le traitement séparé des animaux morts dans les élevages avant leur arrivée à l’abattoir. Ces animaux morts doivent être incinérés.
En janvier 2000 : le dépistage de l’ESB chez les bovins et l’abattage systématique d’un troupeau dès qu’un seul animal est atteint de l’ESB.

Toutes ces mesures ne servent à rien si on n’arrête pas la source de la contamination : les farines animales, dont un rapport établit, qu’en 98-99, encore 6 % d’entre elles resteraient frauduleuses.

Dans toute cette affaire, il est déplorable de voir à quel point, au nom du libéralisme économique et du seul profit financier, la Grande Bretagne et l’Europe ont laissé faire et réagi uniquement à partir du moment où les dégâts devenaient insupportables. Il est à noter, qu’encore maintenant, beaucoup d’éléments de cette affaire demeurent opaques et l’on mesure à quel point les Etats ont du mal à s’attaquer aux différentes sociétés de l’agro-alimentaire.
 

4) Les  OGM – Organismes génétiquement modifiés -

Avec les techniques génétiques, on arrive à intervenir sur le génome de toute plante (et même de l’animal), c’est-à-dire sur chaque gène qui caractérise la plante. Ces gènes sont portés par des chromosomes. Les manipulations génétiques consistent à fixer sur les chromosomes, des gènes étrangers à la plante et dont on espère qu’ils vont nos fournir une nouvelle plante avec des propriétés intéressantes. Dans la pratique, 98 % de ces OGM sont des plantes à pesticides.

L’exemple du maïs transgénique. Sur un chromosome du maïs, on introduit le gène d’un organisme insecticide (tuant les parasites des plantes) afin de rendre ce maïs invulnérable aux chenilles qui le rongent sur les champs.

L’illusion est de croire que ces OGM, en améliorant génétiquement les espèces végétales, allaient permettre de produire davantage et moins cher, avec moins de substances chimiques. On a fait croire qu’on allait résoudre la faim dans le monde. En réalité, il y a mensonge car on se rend déjà compte, dans la pratique, qu’il y a des défauts de rentabilité, des coûts plus élevés en semences et des dépenses équivalentes en traitement, et ce par rapport aux cultures traditionnelles. De plus, la fiabilité des OGM n’est pas établie et les techniques de fabrication sont de l’ordre du bricolage. En conclusion, on peut dire que les OGM n’apportent pas réellement d’améliorations. Par contre, leur utilisation induit de très graves conséquences

· sur l’environnement - Ils renforcent les macrocultures qui concentrent les parasites et les produits herbicides, par exemple, la culture des graines de colza OGM. Ces OGM résistent aux herbicides (vendus par la même firme) et permettent aux champs de colza d’être arrosés avec un herbicide, sans danger pour la plante vaccinée. Les sols subissent de plus en plus tous ces produits et parasites, sans que rien ne soit fait pour les préserver.
 

· Sur la bio-diversité – Le très grand risque est la dissémination des OGM dans la nature, avec, pour effet, la modification et la destruction des espèces. Le vent et les abeilles, vecteurs du pollen, transportent celui des plantes OGM et le déposent sur d’autres cultures et herbes sauvages. Les végétaux de ces champs deviennent à leur tour résistants aux herbicides et pesticides, ce qui induit une prolifération « d’herbes folles » et, à terme, la disparition de tout végétal à l’état naturel.
 

· Sur l’homme – Dans la technique de fabrication des OGM, on utilise des antibiotiques d’où une prolifération de gènes résistants aux antibiotiques. Chez l’homme, on a déjà remarqué des allergies liées à la consommation de soja transgénique. Une autre préoccupation est l’impact sur le système immunitaire. Des tests sur des rats de laboratoire ont indiqué des problèmes immunitaires très graves. Enfin, on s’interroge aussi sur l’accumulation dans la chaîne alimentaire des substances toxiques contenues dans les OGM.
 

· Sur la souveraineté alimentaire des populations – Les OGM, à travers leur mise au point, et les brevets industriels déposés par les grandes firmes chimiques (telles que Novartis, Monsanto), permettent l’appropriation du vivant par un très petit nombre d’individus. C’est le droit industriel et le droit des marchandises qui l’emportent. On assiste à une brevetabilité et privatisation du vivant. En ce sens, la technique des OGM est une technique de domination puisqu’une firme a droit d’existence ou non sur une plante agricole.

D’autres dérives sont aussi possibles, car les firmes produisent des OGM dont elles contrôlent, non seulement la semence, mais aussi les produits de traitement qui vont avec. Le grain est génétiquement modifié pour l’adapter au produit de traitement vendu simultanément. Le cas ultime est celui de la technique surnommée « Terminator », mise au  point par la firme Monsanto. On a introduit dans la plante un gène qui empêche la graine de germer une fois qu’elle est parvenue à maturité. En clair, chaque année, le paysan doit racheter la semence. Il ne dispose plus du droit ancestral et reconnu qui consiste à prélever sur la récolte des semences fermières, afin de les utiliser l’année suivante.

La logique est purement économique et oppresse davantage les paysans du monde sous le joug de quelques multinationales, qui ne cherchent que le profit quand bien même beaucoup de populations peinent à s’alimenter par leurs propres moyens.

La  « malbouffe »

Terme dont José Bové est l’inventeur et qui fait référence aux modes de productions agricoles, citées auparavant, à la standardisation de l’alimentation et à l’uniformisation du goût.

La standardisation des aliments est une stratégie des différentes industries agroalimentaires qui vise à banaliser le goût pour ne pas heurter les consommateurs et, ainsi, en attirer davantage : c’est encore la logique du profit.

 Pour exemple, Mc Donald’s : les normes d’hygiène  y sont très strictes. Les produits sont congelés et complètement aseptisés. La fabrication est entièrement centralisée. Pour la France, les steaks hachés sont produits à Orléans, les frites à Lille, les salades à Perpignan et le pain en région parisienne ; la nourriture est complètement standardisée avec les mêmes compositions partout ; c’est carrément de l’hygiènisme (ces normes sont parfois contournées au profit de la rapidité et de la rentabilité). La viande servie a été recomposée, à partir des plus bas morceaux des vaches. On a rajouté du gras dans la viande pour faire en sorte que le pourcentage de gras et de maigre soit identique dans chaque « hamburger » vendu. La texture est donc la même en tous lieux de la planète.

Un autre exemple de la standardisation : les fromages. Depuis l’année 2000, il y a obligation pour les producteurs et vendeurs de fromage (sur les marchés, par exemple) de conserver en permanence les fromages à une température de 6°C. Cette réglementation empêche, bien sûr, la vente des produits fermiers qui n’ont jamais été conçus et vendus en fonction d’un tel critère. On voit ici que l’Etat est lui-même complice d’une telle standardisation.

Du point de vue du consommateur, il y a évidemment eu perte et appauvrissement de la qualité des produits alimentaires. Que cela soit les hamburgers, les fromages industriels, les plats surgelés…il y a uniformisation du goût et même, perte de la relation au goût. L’industrie alimentaire ne considère comme importantes que les techniques de fabrication (afin d’amoindrir ses coûts et de maximaliser ses profits) mais, jamais la qualité des aliments qui nous parviennent dans l’assiette. Tout est conditionné dans un même sens, au détriment du goût et de l’identité culturelle des terroirs. Le résultat en est la disparition progressive de tout ce qui touche à la cuisine, à l’art de se nourrir, et aussi, au fait de se retrouver quotidiennement ensemble autour d’une table.

 

Fabien Desgranges

 


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